EXCLUSIF / Marchés actions : sont-ils dans un environnement si défavorable ?

Asset Management - La crise sanitaire a touché de plein fouet les entreprises, qui ont vu leur activité s'effondrer. A l'heure du déconfinement post Covid-19, les investisseurs s'interrogent sur les scénarios probables de la reprise. Quelles évolutions pouvons-nous prévoir sur les marchés actions ? L'équipe de Portzamparc Gestion apporte son éclairage, en exclusivité pour Le Courrier Financier.

Après 6 semaines de confinement, nous commençons à apprécier un peu l’impact de l’épidémie de Covid-19 qui serait bien plus profond que celui de la crise financière de 2008, mais peut-être moins long, avec une reprise plus rapide… Si le confinement ne s’éternise pas. Ce n’est pas tant le virus le problème, mais les moyens mis en œuvre pour lutter contre sa propagation.

La peur d’une deuxième vague

Pour l’éviter, le plus simple est de limiter les contacts entre humains. D’où le confinement qui a mis à l’arrêt des pans entiers de l’économie, entraînant une récession très profonde. Cette mise à l’arrêt de nombreux secteurs durera tant que l’épidémie ne sera pas enrayée, donc que seront nécessaires les mesures de distanciation et d’isolement.

Le dilemme actuel des gouvernements est que si le déconfinement est nécessaire pour relancer la machine économique, il pourrait conduire à une nouvelle poussée de l’épidémie — la fameuse deuxième vague — qui pourrait contraindre un nouveau confinement…

C’est d’autant plus compliqué que ce virus reste pour l’instant une énigme pour la recherche médicale, et une aubaine pour les complotistes et autres populistes qui se sont emparés des réseaux sociaux… Mais nous nous éloignons de la question purement économique !

Une première tentative de bilan

L’INSEE a réalisé un travail intéressant en estimant la perte d’activité par secteur due au confinement. Au terme des cinq premières semaines qu’il aura duré, l’activité aurait ainsi plongé d’un quart à un tiers dans sa globalité, certains secteurs étant plus touchés que d’autres. Sans surprise, l’hôtellerie/restauration aurait plongé de 90 % alors que l’agro-alimentaire n’aurait reculé que de 5 %.

Partant de ce constat, et connaissant la contribution de chaque secteur au PIB, nous pouvons estimer qu’un mois de confinement va peser de 2 % à 3% sur la croissance donc au bout de deux mois. Et partant d’une croissance anticipée entre 1 % et 2 % avant la crise, nous arrivons à une récession française de l’ordre de – 4 % en 2020

Sous réserve que les mesures de confinement soient levées. Ce qui ne sera pas complètement le cas, cet été par exemple avec un impact négatif encore fort sur le tourisme… Dans un scénario noir, la BCE indique ainsi que la récession de la zone euro sur le deuxième trimestre de 2020 pourrait atteindre – 15 % !

Répondre à la crise

Le premier impact de l’épidémie s’est manifesté par l’effondrement des marchés, faisant craindre un assèchement de la liquidité et des difficultés de financement pour les acteurs privés — les banques — voire certains Etats. L’Italie a par exemple vu son taux à dix ans passer de moins de 1 % à presque 2,5 % en mars, tandis que le marché primaire corporate s’est refermé pendant quelques séances.

C’est la BCE qui a apporté une réponse à ces questions en augmentant ses programmes d’achats de titres, en en assouplissant les conditions, en relâchant également les conditions d’octroi de liquidités aux banques et en diminuant ses exigences en termes de niveaux de garantie pour ces prêts.

Soutenir les entreprises

L’autre enjeu de la réponse apportée à cette crise est celui de l’après : comment faire en sorte que les capacités de production (l’offre) et de consommation (la demande) ne soient pas détruites durant cette période pour que le redémarrage se fasse dans les meilleures conditions ? Côté offre, cela revient à soutenir les entreprises pour qu’elles puissent survivre
durant cette période.

D’où la mise en place de prêts garantis par l’Etat (PGE) pour soutenir leurs trésoreries et le financement massif du chômage partiel pour limiter les charges sans recourir au licenciement. Ceci permet en outre d’assurer un revenu qui limitera les effets négatifs sur la consommation.

Ces différentes mesures de soutien vont sans doute permettre à la plupart des entreprises de passer un cap, mais elles en ressortiront néanmoins plus endettées s’agissant, à ce stade, de prêts et non de subventions. Ainsi les entreprises déjà fragiles avant cette crise risquent-elles de ne pas y survivre… Sauf à ce que les prêts se transforment en subventions : l’Etat se substituerait à l’emprunteur, en faisant jouer la garantie par exemple.

Scénarios de reprise : V-L-U… ?

La reprise attendue après l’effondrement de l’activité liée au confinement va principalement être justement liée aux conditions du retour au travail et à l’évolution de l’épidémie. Si l’activité reprend à 100 % très rapidement et qu’il n’y a pas de dégâts trop importants — c’est-à-dire peu de faillites et un impact faible au niveau de l’emploi, donc de la consommation — nous pourrons parler de reprise « en V ».

Ce scénario rose repose sur les efforts consentis par la BCE et l’Etat pour soutenir les entreprises (crédits, financement du chômage partiel, etc.) et sur les plans de relance aux niveaux nationaux et européen. A l’opposé, nous trouvons un scénario où, à la moindre tentative de sortie du confinement l’épidémie reprend de plus belle, entraînant la remise en œuvre de mesures restrictives strictes. L’activité ne reprend pas et on acte le recul du PIB intervenu au premier semestre. Dans ce cas, nous parlerons de reprise « en L ».

Entre ces deux scénarios extrêmes, il semble plus probable d’avoir une reprise « en U ». Le déconfinement serait progressif mais permettrait un redémarrage de l’activité en limitant un retour de l’épidémie, au moins le temps que soient développés traitements et vaccins. La croissance ré-accélèrerait jusqu’à revenir sur des niveaux similaires à ceux qui prévalaient avant crise.

Quel que soit le scénario à venir (il y en a d’autres variantes), tous les secteurs n’en sortiront pas indemnes. Par exemple, il est probable que des secteurs comme le transport aérien risquent de voir la demande diminuer en tendance, alors que les secteurs technologiques vont profiter du développement du télétravail, des réunions par média interposé… Ce qui est d’ailleurs très vertueux par rapport aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre !

Marchés, quelles évolutions possibles ?

Les publications de sociétés qui ont commencé, et les données macro-économiques concernant le début de l’année sont bien entendu très mauvais laissant augurer un deuxième trimestre catastrophique. Les marchés l’ont anticipé en plongeant de 40 % (pour le CAC 40) entre fin février et mi-mars.

Ce mouvement a probablement été excessif, c’est ce que suggère le rebond qui a suivi. Le rebond a été alimenté notamment par le soutien exceptionnel des pouvoirs publics et de la BCE, et plus récemment par les espoirs de mise au point de traitements ou de vaccins. Comme nous l’avons indiqué plus haut, certains secteurs risquent de mieux performer que d’autres — comme l’illustre d’ailleurs la surperformance du Nasdaq sur le Dow Jones.

La tendance haussière des marchés va globalement pouvoir s’appuyer sur des banques centrales qui vont rester très accommodantes (avec des taux d’intérêt qui restent faibles et un accès au crédit facilité), des cours de matières premières faibles, notamment le pétrole, et enfin un Euro qui reste sur des niveaux favorables au commerce extérieur européens.

L’effet T.I.N.A ?

Nous revenons vers le fameux alignement des planètes de la deuxième moitié des années 2010 ! Il faut noter également que les niveaux d’endettement atteints par les Etats ne seront soutenables qu’à la double condition qu’ils puissent se refinancer aisément, et que les charges d’emprunts restent contenues.

C’est ce que garantit la BCE par sa politique monétaire. Inversement, il est fort peu probable de voir les taux remonter dans les prochains trimestres (sauf développement d’un risque politique extrême comme en 2012-13). L’effet TINA (There Is No Alternative) devrait donc continuer à jouer également, avec une prime pour le marché actions… Sous réserve que la crise sanitaire soit enrayée, bien entendu !

Les équipes de Portzamparc Gestion

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