EXCLUSIF / Dettes souveraines : avons-nous tiré les leçons de la crise ?

Asset Management - La crise de 2008 puis celle des dettes souveraines en Europe a permis une certaine résilience du système financier européen (Bâle III, mécanisme de supervision et de sauvetage) mais est-il suffisamment abouti pour affronter la crise sanitaire et ses conséquences ? Arnaud Frémont, consultant senior chez Square, partage son analyse.

Dix ans après la crise des dettes souveraines, et au vu de la situation actuelle, un bilan des mesures mises en place pour répondre à la crise de 2010 est d’actualité. Les leçons sont-elles apprises et sommes-nous prêts à affronter une nouvelle crise ?

Un système plus résilient…

D’après le Conseil de Stabilité Financière (FSB) et le FMI, les réformes mises en place, suite à la crise des dettes souveraines en Europe, ont contribué à l’émergence d’un système financier plus résilient et capable de soutenir l’économie réelle en cas de crise. Les grandes banques sont donc mieux capitalisées, plus résistantes aux chocs grâce aux stress tests et moins vulnérables aux risques de marchés. L’intermédiation financière non-bancaire (shadow Banking) a reculé préservant ainsi la stabilité financière.

L’action de l’Union Européenne (UE) a été décisive en matière de surveillance et de prévention du risque bancaire grâce à des réformes significatives. Cette résilience s’explique d’abord par la mise en place d’un mécanisme de supervision macro et micro prudentielle au niveau européen : le Système Européen de Supervision Financière d’une part et le Mécanisme Européen de Stabilité d’autre part agissant comme une protection financière publique. Ensuite, le déploiement d’un système de résolution inédit pour le secteur bancaire : l’Union bancaire.

Vers l’union bancaire

Celle-ci se compose d’un mécanisme de surveillance unique (MSU), d’un mécanisme de résolution unique (MRU) doté d’un fond de résolution abondé par les banques et d’un système de garantie des dépôts (SEGD). Ce dernier n’est pas encore opérationnel car sa mise en œuvre est toujours en discussion.

Les secteurs de la banque et de l’assurance sont mieux encadrés à travers un ensemble de normes contraignantes qu’ils doivent appliquer (Bâle III ou encore le paquet CRD IV/CRR pour le secteur bancaire et la norme Solvabilité II pour les assurances).

En France, le Haut Conseil de la Stabilité Financière (HCSF) a été créé en 2013 afin de veiller à la résilience du système français. Il estime aujourd’hui que « suite aux réformes mises en œuvre depuis une dizaine d’années, le secteur financier français est plus résilient. La solidité des établissements bancaires comme des organismes d’assurance est mieux assurée ».

Encore des ajustements…

Parmi les principales priorités, la régulation bancaire demeure encore inachevée. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), la mise en œuvre des accords de Bâle III reste encore incomplète. Réformé en 2017, le calendrier de déploiement sera progressif, dont certains des axes seront véritablement opérationnels à l’horizon 2022. De plus, pour le FMI, la résilience des banques peut être mise à l’épreuve suite à des pertes de marchés et de crédit considérables.

Au niveau européen, l’un des piliers de l’Union Bancaire, le système de garantie des dépôts (le SEGD) n’est pas opérationnel alors qu’il pourrait améliorer le niveau de confiance des ménages et épargnants en leur garantissant un montant de dépôt. Certains pays membres comme l’Allemagne ou les Pays-Bas demeurent opposés à sa mise en œuvre.

France, le défi de la régulation

En France, certaines vulnérabilités apparaissent, nécessitant ainsi une action du régulateur. Selon le rapport du sénateur Collombat de 2017, des défaillances dans le système de régulation seraient observées. Il s’agit notamment de « l’autorégulation » ou encore des stratégies de contournement de la régulation. De plus, de nouveaux domaines méritent d’être mieux encadrés comme les fintechs, les cryptomonnaies, la technologie blockchain ou encore le big data. A ce titre, la Banque de France semble avoir pris en compte ces nouveaux paramètres.

L’institution tente de trouver le bon équilibre entre l’encouragement au développement de ces nouvelles technologies et l’encadrement de celles-ci à travers une attention particulière. Pour le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, trois objectifs semblent impératifs à moyen terme : soutenabilité du système règlementaire, trouver le bon équilibre entre stabilité financière et économie et améliorer les coordinations transfrontalières en Europe.

2020, la résilience

La résilience du système bancaire rassure en cette période d’incertitudes. Cependant, la crise que nous avons connue en 2010 était essentiellement financière et bancaire. Or, celle que nous traversons aujourd’hui est sanitaire et humaine, dont l’impact économique est inédit.

Elle touche directement l’économie réelle et peut impacter indirectement le secteur financier. Il s’agit donc de traiter un autre maux, celui de la vulnérabilité de notre système de santé.

Arnaud Frémont - Square

Consultant senior

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