Etats-Unis : les inégalités économiques, désormais au cœur de l’analyse de la Fed

Asset Management - Lors de la conférence de Jackson Hole, Jerome Powell a annoncé des changements importants sur les objectifs de long terme et sur la stratégie de politique monétaire de la Fed. L’un des points importants, même s’il a moins été mis en avant que les autres, est le fait que les inégalités vont désormais constituer un élément central de l’analyse du marché du travail.

Comme l’a rappelé le président de la Fed Jerome Powell le 4 septembre dernier, « les inégalités constituent une caractéristique de l’économie américaine qui s’est renforcée depuis un certain temps ».

Les inégalités exacerbées…

Les inégalités de revenus et de patrimoine ont très fortement augmenté sur les dernières décennies : la moitié de la population la plus pauvre ne détient que 1,4 % du patrimoine total des Américains. Au-delà de l’augmentation des inégalités de revenus et de patrimoine en elles-mêmes, la baisse de la mobilité sociale sur les dernières décennies est très spectaculaire.

Alors que 90 % des enfants nés dans les années 1940 gagnaient davantage que leurs parents, cette proportion a convergé vers 50 % pour les enfants nés dans les années 1980. Le fait que le « rêve américain » consistant à pouvoir gravir les échelons sociaux devienne peu à peu une illusion a alimenté les frustrations au sein des segments de la population les plus défavorisés.

Par ailleurs, Anne Case et le prix Nobel Angus Deaton ont mis en évidence que la mortalité des blancs non-hispaniques a arrêté de baisser vers 2000 avant de repartir franchement à la hausse à cause de ce qu’ils appellent les « morts de désespoir » : suicides, overdoses, mortalité lié à l’alcoolisme, etc. De nombreux commentateurs ont expliqué que cela avait contribué à la victoire de Donald Trump en 2016 en faisant basculer l’électorat blanc peu diplômé dans le camp républicain. 

…notamment par la crise de la Covid

La hausse des inégalités aux Etats-Unis était déjà très marquée avant 2020, mais la crise de la Covid a exacerbé ces inégalités économiques en pénalisant encore un peu plus les moins avantagés : les jeunes ont davantage perdu leurs emplois que leurs aînés, les femmes que les hommes, les moins diplômés que les plus diplômés, les noirs et les hispaniques que les blancs.

Cela est manifeste dans les statistiques d’emploi du Bureau of Labor Statistics mais également dans les enquêtes réalisées par le Census Bureau auprès des ménages qui établissent que les ménages les plus pauvres sont bien plus susceptibles d’avoir perdu en revenus du travail. Au passage, les individus dont la santé était moins bonne sont plus susceptibles d’avoir perdu en revenus du travail que ceux qui étaient en bonne santé.     

Désormais centrales dans l’analyse de la Fed 

Les commentateurs n’ont généralement retenu que deux points dans les modifications des objectifs de long terme et de la stratégie de politique monétaire de la Fed que Jerome Powell a annoncées lors de la conférence de Jackson Hole fin août :

  • le passage à une stratégie d’Average Inflation Targeting : pour compenser les périodes d’inflation sous 2 %, la Fed tolérera des périodes d’inflation supérieure à 2 % ;
  • un plus grand poids accordé à l’objectif de plein-emploi par rapport à celui de stabilité des prix : la Fed attendra davantage d’amélioration sur le marché du travail avant de considérer un éventuel futur resserrement monétaire.

Bastien Drut - CPR AM

Stratégiste Senior

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