Etats-Unis : la double illusion Trump ou la « paréidolie » des marchés financiers

Asset Management - Négociations commerciales, politique monétaire de la Fed et évolution des indices mondiaux... Les marchés financiers vivent au rythme du compte Twitter de Donald Trump. Les investisseurs accordent beaucoup d'importance aux prises de positions du président des Etats-Unis. Cette clé d'analyse est-elle pour autant pertinente ? Wilfrid Galand, Directeur Stratégiste chez Montpensier Finance, partage son analyse.

Depuis plusieurs mois, l’attention des investisseurs est totalement captivée par les tweets de Donald Trump. Les marchés considèrent que l’hôte de la Maison Blanche — par ses prises de positions fracassantes — est celui qui donne une impulsion décisive aux négociations commerciales, voire à la politique monétaire de la Fed… Et donc à l’évolution des grands indices mondiaux. A tel point que l’on commence à parler d’un « Trump put », qui protègerait les marchés.

Une erreur d’interprétation des marchés

Ceci pourrait bien relever à double titre de la « paréidolie ». Comme le rappelle le sociologue Gérald Bronner dans son dernier ouvrage « Déchéance de rationalité », la paréidolie, issue des deux mots grecs para (faux) et eidos (apparence) désigne, en psychologie, une illusion fondée sur la mauvaise interprétation d’un stimulus vague ou imprécis conçu comme un signal clair et distinct.

L’exemple de l’interprétation des marchés des prises de position de Donald Trump vis-à-vis de son homologue chinois au cours des discussions commerciales est une première illustration de ce phénomène. Dans ce tango sino-américain autour du commerce, c’est bien Xi Jinping qui mène davantage la danse. Au moins depuis le dernier coup d’arrêt des négociations, marqué par les sanctions américaines contre le géant technologique Huawei.

La Chine durcit sa position face aux Etats-Unis

A cet égard, le changement de sémantique est clair du côté de Pékin. La presse officielle ne parle plus de « discussions » ni même de « tensions » commerciales mais de « guerre ». Ensuite, le président chinois fait une référence marquée à l’épopée maoïste en évoquant la « Longue Marche » dans un discours prononcé à l’endroit même d’où elle partit en 1934. Pour finir, le quotidien « Global Times » — porte-voix des autorités — annonce la publication d’une liste d’entreprises américaines prochainement sanctionnées pour « atteinte à la sécurité nationale » de l’Empire du Milieu.

La Chine dicte désormais le tempo et la direction des discussions. L’honneur national face aux dangers clairement explicités de nouveaux « traités inégaux » commande de ne rien céder face au rival. Objectif, faire monter les enjeux pour déclencher une nouvelle phase de négociation, probablement après le G20 d’Osaka des 29 et 30 juin prochains. Les autorités chinoises peuvent s’appuyer sur un rebond de leur dynamisme économique, qui bénéficie du plan de relance mis en place fin 2018.

Etats-Unis : la double illusion Trump ou la « paréidolie » des marchés financiers
Sources : Montpensier Finance / Bloomberg au 31 mai 2019

Le rôle central de la Réserve Fédérale

La deuxième illustration de cette paréidolie — ou « illusion Trump » — tient au rôle déterminant de la Réserve Fédérale dans l’évolution des marchés. A partir du 4 mai, le décrochage des principaux indices coïncide avec la réaffirmation par le président de la Fed de sa volonté de laisser les taux d’intérêt inchangés. Une décision contraire aux attentes des investisseurs, qui espèrent pourtant toujours une baisse rapide et prononcée.

C’est un positionnement logique — clairement contraire aux volontés du président américain — compte tenu de l’apparente solidité de l’économie américaine. Il a conforté le haut niveau du dollar face à l’ensemble des devises mondiales, sans permettre la détente des conditions de financement au pays de l’Oncle Sam. C’est ce que montre la récente tension sur les taux des obligations à haut rendement aux Etats-Unis.

Le prix de cette « prime d’illiquidité monétaire » s’ajoute aux tensions commerciales pour expliquer la baisse des marchés depuis début mai. Rendez-vous est donc pris le 19 juin pour la prochaine réunion du comité de politique monétaire de la Fed.

Wilfrid Galand - Montpensier Finance

Directeur Stratégiste

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