Etats-Unis : de la politique économique de l’Administration Biden

Asset Management - Janet Yellen a présenté les grandes lignes de la politique économique de l’Administration Biden. Elle mêle audace et sérieux budgétaires, refus de la manipulation du change et fermeté face à la Chine. Les thèmes de la fiscalité et de la réglementation n’ont été que peu évoqués. Le débat sur les bonnes pratiques en matière de politique budgétaire est lancé. Comment le marché va-t-il se positionner ? Le point avec Hervé Goulletquer, Stratégiste chez La Banque Postale Asset Management (LBPAM).

Le mandat de Joe Biden aux Etats-Unis commence aujourd’hui. La communication de Janet Yellen devant le Sénat ce mardi 19 janvier, dans le cadre de la procédure de confirmation de sa nomination au poste de secrétaire au Trésor, donne une idée assez précise des ambitions et des moyens de la politique économique qui devrait être suivie.

Rendre l’économie plus inclusive

Pour ce qui est des ambitions, pas de surprise : faire en sorte que l’économie fonctionne de façon plus inclusive, c’est-à-dire davantage au service des gens qui travaillent et des entreprises de tailles petite et moyenne et que donc les inégalités soient réduites. Il faut alors s’attaquer à cette forme en K, qui fait que les fortunés deviennent toujours plus fortunés et que ceux laissés derrière accumulent de plus en plus de retard.

C’est sans doute pourquoi l’Administration Biden insiste sur l’objectif d’une forte augmentation du salaire minimum — en minimisant le risque en matière d’impact négatif sur la dynamique de l’emploi. Janet Yellen aurait pu utiliser le graphique que je reproduis ci-dessous. Il montre comment dans l’Amérique d’aujourd’hui une minorité de personnes arrive à percevoir à la fois et de plus en plus une partie importante des revenus du travail et des revenus du capital.

Etats-Unis : de la politique économique de l’Administration Biden

Cette évolution interpelle la capacité de la société américaine à « articuler rationnellement liberté individuelle et solidarité sociale ». D’où l’idée selon moi d’un retour à John Rawls : « la justice est la première vertu des institutions sociales, comme la vérité est celle des systèmes de pensée ». Le passage des principes à l’action immédiate passe évidemment par une lutte farouche contre l’épidémie de COVID, qui tend à accroître des dérives qu’il est nécessaire de corriger.

Les moyens de ses ambitions

Pour ce qui est des moyens, retenons les points suivants :

  • Le plan de soutien de 1 900 milliards de dollars est une nécessité, car c’est en contenant l’épidémie et en en aidant les Américains en difficulté que l’avenir du pays ne sera pas hypothéqué. Avenir qu’il faut préparer en poussant les feux de l’investissement en infrastructures et en luttant contre le réchauffement climatique. C’est dans ce deuxième cadre que la question d’une révision de la fiscalité sera posée. Remarquons que le point de la faisabilité politique et juridique du plan de soutien n’a pas été mis sur le « devant de la scène ». Nous avons évoqué lundi dernier cette première dimension. Nous traitons de la seconde plus loin dans ce « papier » sous forme d’un encadré.
  • Le déficit et la dette publics vont augmenter. Mais ne pas créer les conditions de davantage de croissance économique rendrait la gestion des comptes publics encore plus compliquée. Et puis, la référence à privilégier selon Janet Yellen est le coût de la dette rapporté au PIB. Malgré la dégradation budgétaire, il n’est pas plus élevé aujourd’hui qu’hier. Selon le FMI (Fiscal Monitor d’octobre 2020), 2 points l’année dernière, contre 2,5 points en 2013. La baisse des taux d’intérêt est passée par là et il faut l’utiliser à bon escient. D’où le projet d’émettre des obligations du Trésor à 50 ans. Il n’empêche que la nécessité économique et l’opportunité offerte par un « prix de l’argent » très bas ne fait pas oublier la contrainte d’assurer la soutenabilité de la politique budgétaire ;
  • Il n’est pas question d’utiliser le change comme moyen d’améliorer la compétitivité de l’économie américaine. L’Administration Biden sera vigilante pour assurer que les autres pays fassent de même ;
  • Remarquons que les questions fiscale et surtout réglementaire demanderont à être précisées. Nous comprenons que les chantiers ne seront pas ouverts de suite.
Etats-Unis : de la politique économique de l’Administration Biden

Keynésiens VS libéraux

Voilà pour le balisage des grandes lignes de l’ambition budgétaire de l’équipe qui se met en place à la Maison Blanche. Celle-ci va créer un débat. Présentons-le brièvement. D’un côté (plutôt de centre-gauche et keynésien), les participants insistent sur la nécessité de disposer de plus de « stabilisateurs automatiques », de mener une politique contra-cyclique d’infrastructures et d’allonger la maturité des emprunts pour engranger le bénéfice du bas niveau des taux d’intérêt.

De l’autre (plutôt de centre-droit et libéral, au sens européen du terme), ils pointent la montée des déséquilibres budgétaires, avec ses inévitables conséquences en matière d’inflation et de change ; et un tout aussi inévitable ralentissement de la croissance économique à cause d’un poids plus élevé du secteur public. Le marché aura à se prononcer !