Décision de la BCE : l’importance du timing

Asset Management - Après la plus forte baisse des marchés depuis la crise des subprimes, Christine Lagarde et la BCE seront attendues par les marchés et les acteurs économiques, alors que les mesures restrictives se multiplient en Europe pour faire face au coronavirus.

Pour Mario Draghi c’était la crise de la dette en zone euro, pour Christine Lagarde ce sera l’épidémie de coronavirus. Le timing de l’intervention de Mario Draghi en 2012 et le choix des mots avaient été cruciaux. Ils avaient permis d’accélérer le retour de la confiance sur les marchés et la convergence des taux souverains en zone euro, après une phase de stress intense.

Rouages du « whatever it takes »

Mais il est important de rappeler que le fameux « whatever it takes » — prononcé par le tacticien italien le 26 juillet 2012 — n’est pas intervenu au plus fort de la crise de la dette en zone euro mais un peu après. Pour mémoire, l’écart entre le taux 10 ans italien et le taux 10 ans allemand avant atteint un pic en novembre 2011, à plus de 550 points de base.

Or l’intervention phare de l’ancien président n’est intervenue que 8 mois plus tard. La puissance des mots — exprimant clairement la volonté de la Banque centrale européenne (BCE) — a commencé à ce moment-là à faire durablement converger les taux en zone euro. Le « whatever it takes » de Mario Draghi est intervenu alors que la situation politique s’était déjà stabilisée entre la Grèce et ses partenaires européens.

Calibrer son intervention

Pourquoi rappeler cet épisode maintenant ? Parce que si la BCE intervient trop fortement dès maintenant et que le marché n’est pas réactif à cette intervention, l’institution monétaire risque de brûler des cartouches trop tôt et de ne pas créer l’effet souhaité. L’intervention surprise de la Fed il y a quelques jours — et la réaction des marchés qui a suivi — étant encore dans les mémoires…

Le calibrage de l’intervention sera donc important. Il est possible que la BCE ne cherche pas à « choquer » le marché tout de suite mais peut-être à intervenir par phases. Mise en place d’un cadre, d’une rhétorique ciblée et de mesures initiales pour créer un contexte, et garder d’autres mesures en réserve en fonction de la réaction de marchés.

Contexte d’intervention

La BCE aura le confort de pouvoir intervenir dans un contexte où l’euro a sensiblement rebondi, passant de 1,0780$ à 1,1500$ en trois semaines. Cela lui laissera des marges de manœuvre pour ne pas provoquer des réactions défensives de l’administration américaine sur le front commercial.

Si la BCE estime que le pic de stress sur les marchés n’est pas encore passé, ou attend des décisions budgétaires plus fortes de la part des pays européens (ou si elle attend de voir comment évolue l’épidémie de coronavirus aux Etats-Unis) son intervention pourrait être multiple, étalée sur plusieurs mois.

Et maintenant, où va-t-on ?

Il y a une nécessité de rassurer les marchés et de soutenir l’économe européenne, mais le timing de l’intervention sera capital, et donc son étalement potentiel. Avec une taille de bilan équivalent à plus de 40 % du PIB de la zone euro — soit le double de la Fed en pourcentage du PIB de la zone économique concernée — la BCE devra être précise dans ses choix. Considérer qu’elle peut moins agir après toutes les mesures déployées post crises des subprimes et de la dette en zone euro serait une erreur.

Alexandre Baradez - IG France

Responsable Analyses Marchés

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