Un cœur qui bat – Prévisions trimestrielles pour les matières premières

Asset Management - Ce secteur est malade depuis si longtemps que l'on a presque oublié ce qu'était un marché des matières premières en bonne santé. L'or et l'argent commencent à sortir la tête de l'eau et la remontée du prix du pétrole suggère une stabilisation. Les fondamentaux seront là pour plafonner le prix du brut.

Les matières premières montrent enfin des signes de vie après les liquidations massives des dernières années. Au premier trimestre, l’indice Bloomberg Commodity a atteint son niveau le plus bas en 17 ans en raison des problèmes d’offre excédentaire et de ralentissement de la demande affectant plusieurs matières premières clés.

Les sociétés du secteur minier et énergétique ont vu leurs coûts de production plonger en raison de l’affaiblissement des devises locales et de la baisse des prix de l’énergie. Cette situation a permis de compenser l’impact des baisses de prix tout en accentuant cependant le ralentissement, les ajustements de production nécessaires ayant pris du temps.

Stabilisation

L’incertitude concernant l’orientation de la croissance mondiale a accru le climat de risque pesant sur la demande mondiale de matières premières clés. Alors que beaucoup d’entre elles se sont presque échangées à perte, nous avons commencé à identifier des signes de stabilisation au cours du mois de mars.

Étonnamment pour beaucoup d’entre nous, l’or a été la matière première la plus performante au premier trimestre, après avoir été échangé à perte au début de l’année alors que l’on s’attendait à une remontée des taux américains et du dollar US. Avec le recul, cette reprise n’aurait cependant pas dû être si surprenante, étant donné que l’or et le dollar ont connu des variations en dents de scie à la suite des quatre précédents cycles de remontée des taux américains.

Les facteurs entraînant généralement une hausse des prix de l’or sont un climat d’incertitude, la baisse des taux d’intérêt, la volatilité du marché d’actions, une dollar faible et une inflation en hausse. À part ce dernier élément, tous les autres se sont vérifiés au cours des derniers mois ce qui a permis à l’or de retrouver les bonnes grâces du marché.

Alors que nous entamons le deuxième trimestre, l’or reste solide malgré l’amélioration des conditions sur les autres marchés. Certains considèrent l’or comme un canari dans une mine de charbon, qui est là pour nous avertir que tout ne va pas bien. Si tel est le cas et que l’or remonte pour cette raison, nous ne devons pas nous attendre à une remontée nette des matières premières liées à la croissance, telles que les métaux industriels et l’énergie.

L’achat d’or a été presque ininterrompu pendant le premier trimestre et les contrats à terme des fonds spéculatifs (hedge funds) sont passés de positions courtes record aux plus grosses positions longues nettes en treize mois. Les investisseurs ayant misé sur des produits cotés garantis par de l’or physique ont connu au cours de ce trimestre la plus forte période d’accumulation d’or depuis que la Fed a lancé sa politique d’assouplissement quantitatif suite à la crise financière début 2009.

Malgré le manque de succès de cette stratégie, les banques centrales continueront à appliquer des taux d’intérêt faibles et négatifs. Cette politique, ainsi que l’incapacité du dollar à augmenter, notamment par rapport à l’euro, constituent les principaux facteurs positifs en comparaison avec la situation de 2015 où les investisseurs restaient focalisés sur la date de la première remontée des taux américains.

Environ 16 000 milliards de dollars US de dette souveraine des pays développés ont un rendement actuel inférieur ou égal à 1 % (Bloomberg). Cette orientation vers des taux toujours plus faibles, voire négatifs, est probablement l’une des principales raisons pour lesquelles les investisseurs se sont à nouveau intéressés à l’or. Les banques centrales, à l’exception peut-être du Comité fédéral de l’Open market, continueront à soutenir une politique à taux faible, et les investisseurs en or comptent là-dessus pour prévoir leurs investissements à long terme.

Cours plafonné à 1 310 USD/once

Cependant, nous ne pensons pas que l’or obtiendra d’aussi bons résultats au deuxième trimestre. La bonne dynamique actuelle et la capacité à ignorer les mauvaises nouvelles en termes de cours devraient lui permettre de plafonner sans dépasser les 1 310 $/once. Nous attendons une période prolongée de négociation stable avec un bon soutien à 1 190 $/once, un niveau qui a été dépassé par de nombreuses positions longues prises au cours du trimestre passé.

Si nous évitons une nouvelle anxiété du marché, qui conduit généralement à favoriser l’or par rapport aux autres métaux, nous pensons que l’argent fera son retour sur le devant de la scène. Ce métal a atteint son niveau le plus bas en huit ans comparé à l’or au premier trimestre. La moitié de la production mondiale d’argent est un sous-produit issu de l’extraction de métaux industriels. Des coupes supplémentaires de production dans ce secteur entraîneront une baisse de l’offre d’argent, avec à la clé une amélioration des perspectives fondamentales. Nous continuons donc à favoriser l’argent par rapport à l’or au cours du prochain trimestre.

Instabilité du pétrole

Le pétrole a été la source de tous les changements pendant les premiers mois de 2016. L’augmentation du risque d’un événement de crédit dans le secteur de l’énergie, les ventes d’actifs des fonds en pétrodollars, le ralentissement de la Chine et la spirale déflationniste ont contribué à augmenter sa corrélation avec les marchés d’actions et du crédit.

Le trimestre est passé à toute vitesse et le sentiment s’est amélioré depuis les journées noires de la mi-janvier, où le prix du brut Brent avait atteint son niveau le plus bas en douze ans. Plusieurs facteurs ont aidé le marché à établir un niveau plancher, tels que la volonté de l’OPEP de soutenir officiellement une remontée des prix, la baisse des inquiétudes liées à la demande concernant la Chine et les pénuries d’offre à la fois au sein et à l’extérieur de l’OPEP.

Le facteur décisif a cependant été le nouveau ralentissement de la production américaine. Elle devrait se poursuivre au cours des prochains mois, à moins que la remontée du baril du pétrole n’atteigne, contre toute attente, le niveau inespéré de 50 $.

Le marché finira par s’intéresser au point d’intersection entre l’offre et la demande. Les événements que nous venons de mentionner suggèrent désormais une échéance antérieure à fin 2017. Il est certes important de trouver un équilibre entre l’offre et la demande, mais il est autrement plus délicat de trouver comment se débarrasser de l’excédent mondial d’offre, et qui prendra du temps.

Les fondamentaux ne sont pas prêts à supporter une remontée du baril de brut Brent trop au-dessus de 45 $, notamment eu égard à l’accentuation de la courbe des cours à terme qui commence à fournir aux producteurs d’huile de schiste des opportunités de couverture sur 12 à 15 mois.

En avril, les stocks américains entameront leur baisse saisonnière, ce qui aura des retombées positives, tandis que les pays membres et non-membres de l’OPEP devraient se réunir pour se mettre d’accord sur un plafonnement de la production. Dans ce contexte, nous pensons toujours que l’Iran continuera à accroître sa production. Les fonds spéculatifs ont peut-être réagi trop rapidement après avoir constitué une position longue brute record. À plusieurs occasions au cours de ces dernières années, nous avons constaté l’impact déstabilisant sur le prix du brut des prises massives de positions courtes et longues.

Même si cette reprise, une fois amorcée, pourrait entraîner une hausse du pétrole supérieure aux attentes, nous ne pensons pas que les fondamentaux soutiendront cette évolution avant la fin de l’année. Une fois que l’écart entre l’offre et la demande aura disparu, il est certain que le marché réagira promptement et commencera à réfléchir aux risques d’une pénurie de production future.

Les réductions de plusieurs milliards de dollars des dépenses consacrées à la recherche de sources futures d’approvisionnement en pétrole soutiendront la remontée des prix du pétrole au cours des prochaines années.

L’incertitude liée à cette échéance pourrait entraîner plusieurs faux départs susceptibles de déclencher des périodes de nouvelles ventes massives. Notre fourchette-cible pour le trimestre à venir reste identique à celle du premier trimestre, entre 35 et 40 $/baril, mais cette fois sans risque baissier.

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Ole Hansen - Saxo Banque

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