Chute des matières premières : le dollar comme seule protection ?

Asset Management - Le coronavirus a plongé la planète entière dans la crise économique. Le dollar fait figure d'actif refuge, tandis que les Etats-Unis se concentrent davantage sur le soutien à l'économie que sur la protection de leur population. Comment redonner confiance aux investisseurs ? Quelles sont les perspectives de sortie de crise ? Les explications de Vincent Boy, Analyste marché chez IG France.

Le risque devient de plus en plus pressant et les investisseurs se précipitent vers le dollar américain, qui progresse de près de 8 %. Les matières premières industrielles sont en fortes baisses, traduisant une inquiétude grandissante sur la demande et donc l’activité économique globale.

Le dollar américain, actif refuge

Le cuivre, utilisé comme baromètre de l’activité industrielle mondiale du fait de son utilité dans un nombre important de secteur, avait baissé de 13 % lors de la première chute liée à l’épidémie qui se rependait en Chine. Après une consolidation au mois de février le métal rouge abandonne maintenant 22 % depuis le début du mois. Comme sur les indices américains, le cours du cuivre à même atteint sa limite baissière à 9 % durant la seule journée d’hier à Shanghai. Le cuivre baisse une nouvelle fois de plus de 7 % ce matin.

Au-delà de la Chine, les marchés craignent maintenant le ralentissement inévitable de la première économie mondiale, bien que l’administration américaine conserve un discours rassurant et se concentre sur les mesures de soutien plutôt que la protection de sa population. Malgré une interdiction de rassemblement dans certaines grandes villes et la fermeture de nombreux commerces, la population américaine semble moins inquiète qu’en Europe, probablement du fait d’un discours moins alarmant du président américain.

Ainsi les investisseurs se tournent-ils vers le dollar américain comme seule valeur refuge. Pendant ce temps, le cours de l’or baisse de 15 % depuis le 9 mars et ce, malgré la baisse de 150 points de base du taux de la Fed en deux semaines. Ce phénomène commence à inquiéter au niveau mondial et notamment les économies émergentes, qui voient un montant de plus en plus important sortir du pays et affaibli un peu plus leur devise.

Gestion de crise en Europe

Concernant le COVID-19, l’Italie a enregistré hier une hausse de 475 décès, soit la plus forte hausse depuis le début de l’épidémie, portant le nombre à 2 978 pour 35 713 cas au total (contre 31 506 un jour plus tôt). Le pays, qui est complètement verrouillé depuis deux semaines maintenant, devrait subir un contre coup important sur son activité et Morgan Stanley voit une baisse de 19 % du PIB au T1 (en base annualisée) et jusqu’à 33 % pour le trimestre suivant. Le gouvernement a annoncé un plan de soutien de 25 Md€ afin de soutenir l’activité du pays.

En Europe, la plupart des pays sont maintenant verrouillés — hormis le Royaume-Uni qui n’a toujours pas décidé de mettre le pays à l’arrêt complet. Cette inertie fait craindre un risque pour les autres pays européens. L’action doit être globale pour endiguer complètement le risque de poursuite de l’épidémie.

Pendant ce temps, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé hier, lors d’une réunion d’urgence, injecter 750 Mds€ au travers de rachat d’obligations et prévoit un rachat total de 1 100 Mds€ cette année, afin de soutenir les marchés financiers. Ce montant représente environ 6 % du PIB de l’Union européenne (UE). Sur les indices, après une chute de 5 % à 6 % en moyenne en Europe et aux Etats-Unis hier, les indices Futures devraient une nouvelle fois ouvrir en baisse ce matin. Les marchés américains semblent pour l’instant suivre le même chemin.

Prendre des mesures fermes

Pour nous, il faut une action forte de la part des Etats-Unis pour tester et protéger sa population et conduire peu à peu à un recul du virus. C’est cela qui permettra aux investisseurs et entreprises de regagner confiance, puis de profiter des mesures de soutien au niveau mondial, qui ont par ailleurs atteint 1 900 Mds$.

Les Etats-Unis doivent décider de mesures de restrictions au niveau national et non pas différentes selon les Etats. Laisser les vols intérieurs ne fait qu’augmenter le risque de propagation. Une annonce en ce sens conduira très probablement à une nouvelle chute importante des marchés, mais permettra un espoir de voir le virus diminuer puis s’estomper.

Sans mesures fortes pour confiner la population, toutes les mesures monétaires, budgétaires ou fiscales ne serviront à rien pour redonner espoir aux investisseurs. La chute des marchés devrait alors se poursuivre, et l’impact sur l’économie n’en sera que plus catastrophique. Les économies du monde ont réagi vite pour maintenir le système financier à flot, mais trop lentement pour ralentir la propagation du virus.

Le bout du tunnel

Il est temps de verrouiller le monde afin que cela dure le moins possible. Objectif, que les investisseurs, les consommateurs et les chefs d’entreprises reprennent espoir. Toutes ces mesures de soutien combiné à l’euphorie de pouvoir sortir et consommer à nouveau librement devraient donner lieu à un retour fulgurant de l’activité et de la consommation des individus, mais il faut stopper ce virus d’abord !

Vincent Boy - IG France

Analyste

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