Les causes de la dépréciation du dollar

Asset Management - De nombreux investisseurs ont été pris de court par la chute du dollar, qui a atteint son niveau le plus bas depuis trois ans malgré le fait que les écarts de taux d’intérêt jouent généralement en sa faveur. Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine des fluctuations du billet vert – la hausse des taux d’intérêt américains étant, pour l'instant, relégués au second plan, au profit du regain d’appétit pour le risque. Nous affichons une position neutre à l’égard des perspectives à court terme du dollar.

Il est souvent compliqué de prévoir les fluctuations des taux de change compte tenu des nombreux facteurs qui les sous-tendent et des préoccupations toujours incertaines du marché. Il est très important de pouvoir évaluer l’évolution de la devise de réserve mondiale étant donné son influence sur les échanges commerciaux et les conditions financières à l’échelle de la planète. Nous pensions que le rendement plus élevé du dollar – l’écart entre les taux américain et européen à deux ans ayant atteint, le mois dernier, son niveau le plus élevé depuis l’apparition de la monnaie unique – serait un facteur de soutien pour le billet vert en ce début d’année. Pourtant, le dollar a continué à se déprécier, et des positions spéculatives sur une poursuite de la baisse ont été adoptées. Selon nous, le regain d’appétit pour le risque à l’échelle mondiale joue un rôle important. Les investisseurs ont délaissé le statut de valeur refuge du dollar pour se mettre en quête de rendement sur les marchés émergents et de performance sur les marchés actions internationaux. Voir le graphique ci-dessus. Nous pensons que le rééquilibrage de l’appétit pour le risque va finir par se tasser et que les « spreads » de taux d’intérêt vont reprendre le contrôle.

Pour l’instant, le dollar est mal en point

L’idée que la croissance mondiale généralisée peut persister – désormais renforcée par les mesures budgétaires aux États-Unis – a accentué l’attrait des actifs risqués sur l’ensemble des marchés. Nos analyses montrent que les afflux de capitaux cumulés dans les fonds non-américains au cours des douze derniers mois ont été les plus élevés en pourcentage des actifs sous gestion depuis juin 2014. Ce rééquilibrage de portefeuille est conforme à nos préférences en matière d’actifs compte tenu de nos perspectives à l’égard de la croissance mondiale. Néanmoins, la magnitude des performances nous a surpris. Autre élément surprenant : les actions américaines ont surperformé les autres actions internationales depuis le début de l’année, ce qui est caractéristique de l’environnement d’appétit pour le risque, et reflète les hausses de revenus des entreprises liées à la réforme fiscale et à la dépréciation du dollar.

Généralement, les écarts de taux d’intérêt constituent un bon indicateur des futures tendances du marché des changes, mais ce n’est pas le cas cette fois. Nos analyses mettent en évidence une rupture de la performance historique du dollar par rapport au rôle joué par les taux d’intérêt américains face à ceux des autres économies du G10. Pour autant, on observe qu’il existe un lien entre la performance du dollar et un large éventail d’indicateurs de risque. Ce lien entre le dollar et l’appétit pour le risque s’est dégradé la semaine dernière compte tenu du repli cumulé du dollar et des marchés actions. Cela montre à quel point ce lien peut évoluer rapidement. Les autres facteurs responsables de l’évolution récente du dollar comprennent la recherche de momentum et l’aplatissement de la courbe des taux américains, qui n’a pas été répliqué en zone euro et au Japon. L’un des facteurs qui ne devrait pas jouer de rôle est celui du rapatriement des capitaux des entreprises américaines détenus à l’étranger. En effet, ils sont pour la plupart déjà affectés à des actifs en dollars.

Qu’est-ce qui permettrait d’inverser cette tendance ?

La tendance de rééquilibrage des portefeuilles finira par s’essouffler. Les spreads de taux d’intérêt pourraient également reprendre le contrôle lorsque le marché réévaluera les anticipations à l’égard de la politique monétaire, qui selon nous semble pour l’instant trop accommodante pour la Réserve fédérale (Fed) et trop offensive pour d’autres banques centrales. Nous ne pouvons prévoir le timing exact d’une inversion de la courbe du dollar, mais elle pourrait être brutale étant donné que les positions courtes sur le dollar n’ont jamais été aussi importantes depuis septembre 2017, d’après l’équipe Risk and Quantitative Analysis de BlackRock. Néanmoins, nous n’anticipons pas de rallie durable du dollar puisque les taux d’intérêt internationaux vont lentement se rapprocher des taux américains. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour l’économie mondiale.

 

Isabelle Mateos y Lago - BlackRock Investment Institute

Directrice Générale - Stratège en chef Gestion diversifiée

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