Bourse : certitude et résilience, désormais tous vaccinés ?

Asset Management - Nom féminin, la résilience décrit la capacité d’une personne ou d’un matériau à résister à des chocs. Etant donné les difficultés de nombreux systèmes de santé à travers le monde face au virus, Il y a fort à parier que la thématique de la résilience s’impose au cœur de l’agenda politique, mais également dans l’esprit de toute une génération d’entrepreneurs et de dirigeants. En l’espace d’une année, ils ont expérimenté les limites de la mondialisation, de l’optimisation et de la course à l’hyper-croissance.

Au-delà de la piqûre de rappel grandeur nature sur le plan sanitaire et économique, nous devrions également prendre du recul sur nos certitudes et nous interroger sur notre capacité à traiter l’information et la résilience du fonctionnement des marchés financiers. Un dirigeant d’une licorne évoquait récemment, à l’occasion d’une discussion, l’injonction de la part de ses investisseurs d’accélérer une croissance pourtant déjà forte ; et la critique permanente concernant la trésorerie qui ne serait pas assez rapidement mobilisée. Ce constat n’est pas un fait isolé mais le symbole de toute une génération de go fast de la croissance.

Aujourd’hui, au moment où Uber — après WeWork —, figure de proue de l’hyper croissance et leader mondial des services de mobilité à la demande, connaît une détérioration rapide de sa position de trésorerie, c’est une multitude d’entrepreneurs qui doit entièrement revoir son modèle de croissance pour préserver des startups, scale-ups ou licornes, qui n’étaient pas préparées à cela, bâties sur un modèle d’argent facile et excluant tout scénario adverse hors de leur contrôle.

Sécurité et optimisation

Il y a encore très peu de temps, prendre des risques, c’était maintenir une capacité de production en France ou en Europe, au lieu de tirer pleinement parti des chaînes de valeurs mondialisées avec une optimisation maximale des coûts de production, via des sous-traitants ou en délocalisant. Aujourd’hui, la guerre commerciale, le déclin du multilatéralisme mis à mal par l’attitude de la Chine et des Etats-Unis, ainsi que la prise de conscience écologique et la pandémie de Covid-19 exposent la fragilité de nos chaînes d’approvisionnement. Toutes les entreprises cherchent désormais un équilibre subtil entre sécurité et optimisation.

Les entreprises font face à cinq bouleversements majeurs : l’inconnue écologique, le progrès technologique, la fin du multilatéralisme, l’essor des populismes et la déformation de la structure de marché des actions cotées. Celles qui les prennent en compte et s’y adaptent tireront leur épingle d’un jeu dont les règles ont durablement changé. Encore faut-il, pour le comprendre, rencontrer leurs dirigeants, traiter l’information collectée, faire preuve d’une bonne capacité d’analyse et discernement.

Regarder les défis en face

Il y a encore très peu de temps, confier son argent à un gestionnaire actif traditionnel de conviction était considéré comme une erreur de placement face à l’optimisation de coûts de la gestion passive et les promesses de fonds alternatifs aux techniques obscures. Aujourd’hui, les marchés sont incapables de mettre un prix sur une situation complexe — valeur et prix se confondent — tandis que certaines gestions alternatives révèlent l’ampleur des risques pris et s’effondrent en quelques jours. Dans un tel environnement, la gestion active de conviction prend alors tout son sens pour créer de la valeur sur le long-terme.

Il y a encore très peu de temps, à la faveur des printemps arabes, on célébrait l’âge de l’information en ligne, le triomphe du citoyen-journaliste, l’abondance de données et la capacité d’internet à faire éclore la vérité. Aujourd’hui, après la manipulation de l’opinion lors des élections américaines de 2016, le chaos autour du virus en 2020, nous redécouvrons que des données de qualité ont un prix, et que le journalisme professionnel a une valeur pour nos démocraties et un prix qu’il faut être prêt à payer.

Il est temps de faire une distinction entre certitude et conviction, et regarder les défis en face. Au lendemain de cette crise, ce ne sont pas les chantiers qui manqueront, et la résilience de nos systèmes sera bel et bien, espérons-le, au cœur de nos débats.

Jacques-Aurélien Marcireau - Edmond de Rothschild Asset Management

Co-directeur de la Gestion Actions

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