Les banques centrales et l’inflation

Asset Management - La semaine passée, deux grandes banques centrales, la Fed et la BCE, ont tenu leur dernière réunion de l’année.

En Europe, sans surprise, la BCE a laissé ses taux directeurs inchangés. Le point positif réside dans la forte révision à la hausse des perspectives de croissance du PIB pour 2017 et 2018, tandis que les perspectives d’inflation ont été revues à la baisse. Le programme d’achat obligataire pourrait se poursuivre au-delà de septembre 2018, jusqu’à ce que l’inflation atteigne l’objectif de 2% de façon durable et auto-entretenue.

Aux Etats-Unis, de façon tout aussi attendue, la Fed a relevé ses taux directeurs d’un quart de point entre 1,25% et 1,50%. Le comité de politique monétaire relève lui aussi ses prévisions de croissance économique pour 2018 mais ne prévoit pas de relever ses taux plus de trois fois en 2018. Malgré la croissance anticipée, l’objectif d’inflation que la Fed s’est fixé semble toujours hors de portée à court terme, puisqu’elle se situe sous les 2%. Mais les prévisions d’inflation à long terme fournies par le comité demeurent inchangées : elles convergent idéalement vers la cible.

Les cartes étant posées, que pouvons-nous attendre pour l’année 2018 ?

Utilisons le graphique ci-dessous pour nous repérer dans le cycle américain. Le schéma représente la variation concomitante de deux mesures :

–   Les écarts entre les taux d’Etat à 3 mois et à 30 ans aux Etats-Unis

–   Les écarts entre les taux des obligations à « haut rendement » (catégorie spéculative) et les taux d’Etat américains à 10 ans ; ces écarts sont appelés « spreads de crédit à haut rendement».

La situation actuelle, d’après ce modèle, indique que l’économie américaine se trouve à la fin de la phase de « milieu d’expansion », caractérisée par une croissance solide. Les écarts entre les taux obligataires à haut rendement et les taux d’Etat se sont resserrés et la banque centrale commence à durcir sa politique monétaire.  La phase suivante devrait être celle de « fin d’expansion » : la courbe de taux devrait s’aplatir et les spreads de crédit s’élargir. La récession devrait succéder à cette phase.

Si nous projetons cela dans le modèle en question, l’économie américaine devrait tendre vers la récession autour de 2020 ou 2021. Notons que la Fed devrait avoir des munitions pour y faire face puisqu’elle devrait avoir nettement remonté ses taux d’ici-là.

Mais si la Fed resserre ses taux plus lentement comme le suggère le marché, qui n’anticipe que deux hausses de taux l’année prochaine alors que la Fed en prévoit trois, le cycle dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui pourrait perdurer au-delà et les spreads de crédit pourraient continuer à se resserrer.

Nous verrons ce qu’il en est l’année prochaine et la surprise pourrait provenir de l’inflation. Si elle se manifeste enfin, le scénario de hausse de taux pourra se mettre en place et le marché devra revoir ses prévisions, ce qui devrait provoquer une remontée de l’ensemble de la courbe des taux.

Nous sommes donc à la croisée des chemins : est-il déjà temps d’investir sur l’aplatissement de la courbe de taux (qui constitue le scénario implicite de la Fed), ou est-il encore temps d’investir sur le crédit ?

Depuis longtemps court sur le marché le dicton « Don’t fight the Fed » (il ne faut pas se battre contre la Fed). Jusqu’ici, le marché a eu plutôt raison de ne pas se fier aux prévisions des banquiers centraux en ce qui concerne le nombre de relèvements de taux. Mais jusqu’à quand cette situation délicate pourra-t-elle durer ?

Benjamin Bourguignat - LFDE

Gérant Analyste

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