Banques centrales : les investisseurs attendent une réponse coordonnée

Asset Management - Face au coronavirus, les investisseurs attendent une réponse politique coordonnée. Le remède habituel des banques centrales n'est plus adapté. Vers quel scénario de reprise économique nous dirigeons-nous ? Quelles décisions monétaires pourraient contrebalancer la situation ? Les explications de Jean-Jacques Friedman, Chief Investment Officer chez Natixis Wealth Management.

L’objectif de distanciation sociale — destinée à ralentir la propagation du coronavirus par rapport aux capacités hospitalières d’urgence — se traduit par l’activation d’une mise en quarantaine au sein des principaux pays européens et des Etats-Unis. Ces derniers développements ont provoqué une modification des perspectives de l’économie, qui se dirigerait plutôt vers un scénario de croissance zéro.

Les conséquences sur les marchés sont liées dorénavant à la durée des confinements nécessaires, avec des coûts économiques proportionnels à cette dernière, sachant que les seuls exemples à disposition aujourd’hui sont ceux de quelques pays asiatiques.

Reprise d’activité en « U »

Les investisseurs disposent de la Chine comme principal point de repère — pays qui a pris ce type de mesures en janvier — avec l’idée que la fin de cet épisode de choc externe entraînera une nette reprise de l’activité, par une reprise en V dans le meilleur des cas. Plus probablement en U, dans notre scénario, du fait de la faillite de sociétés plus fragiles en fonction de leur secteur d’activité, de leur situation financière ou de leur taille.

Dans ce contexte agité, les marchés se focalisent sur les obligations souveraines — en délaissant fortement le crédit — et sur les secteurs plus défensifs comme les services publics, la pharmacie ou même les télécommunications ou la distribution ; contrairement aux secteurs les plus cycliques comme le pétrole, les banques ou l’automobile, dont la chute représente près du double de ces secteurs défensifs.

Stratégie de diversification

Dans nos mandats, sur la partie actions, nous avons privilégié une optique prudente en termes de choix sectoriels et de nature de titres, en cohérence avec notre scénario économique. En revanche sur la partie taux, opter pour les obligations souveraines à ces niveaux exceptionnellement bas nous semblait et nous paraît toujours constituer un ratio risque/rendement aléatoire.

Nous nous sommes concentrés sur nos secteurs de prédilection, à savoir les valeurs de croissance, en cédant par ailleurs les stratégies sur les valeurs moyennes que nous avions initiées en fin d’année dernière et qui n’ont pas pour l’instant souffert de risque de liquidité. Les spreads de crédit nous apparaissaient également assez faiblement rémunérateurs.

Nous ne détenions pas de positions de pur high yield obligataire, dont le risque pouvait se cumuler au risque actions. C’est pourquoi nous avions opéré une diversification en faveur de fonds d’arbitrage obligataire, de performance absolue, voire même en faveur des métaux précieux. Au final, plusieurs de ces stratégies obligataires ont pâti de leur positionnement vendeur d’obligations.

Décisions monétaires inefficaces ?

Le marché sera affecté par la progression de l’épidémie, qui devrait mobiliser l’entièreté des médias généralistes pendant encore quelques jours ou semaines ; tandis que ceux plus spécialisés seront concentrés sur les indices de climat des affaires, avec de fortes dégradations des données économiques et un décompte à prévoir pour les faillites des entreprises. Face à ces éléments, ce seront les décisions monétaires, mais surtout politiques, qui contrebalanceront ces données.

Au cœur de cette crise spécifique, les interventions des Banques centrales se sont avérées particulièrement contreproductives — comme l’ont prouvé les deux initiatives de la Fed et de la BCE qui ont semblé, de surcroît, faire cavaliers seuls. Le déni initial de Donald Trump quant à la gravité de la situation aux Etats-Unis a été également préjudiciable. Son intervention de vendredi dernier, certes tardive, s’est révélée décisive.

Jean-Jacques Friedman - Natixis Wealth Management

Directeur des Investissements (CIO)

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