Une année encore solide pour l’économie américaine

Asset Management - L’économie américaine a régulièrement affiché au cours de ces dernières années une tendance anémique au cours du premier trimestre. Que ce phénomène reflète une difficulté dans les statistiques corrigées des variations saisonnières ou un caractère simplement aléatoire, le PIB a enregistré en moyenne au cours de la phase d’expansion actuelle une progression inférieure de plus d’un point de pourcentage au cours des premiers trimestres que le reste de l’année.

Des signes préliminaires suggèrent que ce profil d’évolution pourrait se répéter en 2018. La croissance des ventes de détail a déçu en janvier et les commandes de biens d’équipement – un indicateur avancé des dépenses d’investissement des entreprises – a ralenti récemment. Alors que beaucoup de données restent encore inconnues concernant le T1 2018, la croissance du PIB semble en voie de se révéler quelque peu inférieure à notre prévision initiale, 2,75 %, et accuser ainsi un certain retard sur la moyenne de 2,9 % des trois trimestres antérieurs.

Nous avions déjà estimé que l’économie était en territoire de fin de cycle. Cette décélération de la croissance, combinée au récent recul des marchés d’actions et à la hausse des rendements obligataires, implique-t-elle que nous devons mieux contrôler notre enthousiasme sur l’économie américaine. Pour plusieurs raisons, nous continuons à tabler sur une solide année de croissance en 2018 aux États-Unis, bien qu’avec un profil différent de celui précédemment envisagé.

Tout d’abord, la confiance du secteur privé se situe à un niveau élevé par rapport aux normes de long terme (graphique 1). Le sentiment général s’est sensiblement redressé tant chez les entreprises que chez les ménages et ne montre pas jusqu’à présent de signe de faiblesse significatif consécutif au recul des marchés d’actions. Ensuite, une partie de la décélération des dépenses de consommation est probablement due à la hausse des prix de l’essence. Ces derniers s’étant stabilisés, ce frein va s’estomper au cours des prochains trimestres. Une confiance des consommateurs restant à un niveau élevé et de solides progressions de revenus devraient au moins soutenir une croissance de la consommation conforme à la tendance. En troisième lieu, si les conditions financières se sont resserrées au cours de ces dernières semaines, elles sont globalement revenues vers les niveaux qui prévalaient fin 2017 — il ne s’agit donc pas d’un handicap pour la croissance à court terme. En dernier lieu, facteur peut-être le plus important, l’augmentation des dépenses récemment approuvée par le Congrès devrait faire sentir ses effets au cours du second semestre 2018. S’ajoutant à la baisse des impôts, la hausse des dépenses publiques place solidement la politique budgétaire en territoire expansionniste.

Tous ces éléments se traduisent par une trajectoire plus stable pour la croissance des États-Unis en 2018. Au lieu d’un démarrage vigoureux suivi d’une décélération, nous anticipons désormais une croissance soutenue, supérieure à la tendance tout au long de l’année.

Inflation à évolution lente

La persistance de la vigueur de l’économie devrait continuer à faire reculer le chômage. Son taux évoluant à des niveaux rarement constatés au cours de ces dernières décennies, nous anticipons la persistance d’une pression haussière sur les salaires et l’inflation des prix.

Pourtant, une partie des récentes inquiétudes sur ce front ne semble pas justifiée. La hausse des prix à la consommation observée aux États-Unis depuis le second semestre de l’an dernier inverse pour l’essentiel le courant descendant qui s’est instauré début 2017. Nous considérons l’inflation comme un processus à évolution lente, non susceptible d’une accélération persistante et à grande échelle, et nous continuons à penser que la courbe de Phillips (la relation entre les capacités excédentaires de l’économie et les hausses de prix) est plutôt plate. En fait, un faible taux de chômage ne donne qu’une modeste inflexion à la hausse de l’inflation.

De plus, les anticipations d’inflation apparaissent encore bien ancrées, proches ou peut-être légèrement inférieures à la cible de 2 % de la Réserve fédérale. En observant les perspectives de la Fed, nous estimons que ce panorama – poursuite d’une croissance supérieure à la tendance et inflation évoluant à proximité de l’objectif de la Fed – devrait engendrer quatre hausses de taux en 2018. Nous subodorons que les “dots” représentant les projections de taux personnelles des membres du FOMC (Comité de politique monétaire de la FED) évolueront dans cette direction lors de la réunion de mars. Mais nous doutons que la Fed manifestera une approche encore plus agressive de sa politique monétaire. Le FOMC prévoit déjà un retour plutôt rapide de l’inflation vers sa cible, et toute révision à la hausse de ses prévisions mettrait fin aux dégradations de ses prévisions pratiquées au cours de ces dernières années. Du fait que les surprises concernant l’inflation se sont orientées systématiquement vers le bas de la fourchette au cours de l’actuelle phase d’expansion, la Fed sera probablement réticente à entreprendre une action déterminée à moins que l’inflation réalisée ne dépasse nettement sa cible.

Dans ces circonstances, les perspectives pour les bénéfices des entreprises américaines restent tout à fait favorables. La baisse des impôts va donner un coup de fouet exceptionnel en termes de niveau, alors que la poursuite de la croissance à un rythme supérieur à la tendance, avec un risque de récession à court terme limité, apporte un
contexte porteur à l’expansion des chiffres d’affaires. Le reste du monde connaissant également une croissance à un rythme satisfaisant et un dollar bien inférieur à ses niveaux de l’an dernier, les activités à l’étranger devraient également représenter une source de robustesse. Certains de ces phénomènes devraient se poursuivre au cours de la saison des résultats actuelle (T4 2017), les composantes du S&P 500 pointant vers une progression globale de 15 % des bénéfices en variation annuelle. Une nouvelle accélération vers la fourchette 18 %-20 % semble probable au moment où les bénéfices 2018 commencent à être publiés.

A coup sûr, les marchés devraient se focaliser davantage sur de possibles pressions sur les salaires, théoriquement susceptibles d’être défavorables aux marges bénéficiaires. A cours des cycles récents, les marges sont restées solides jusqu’à ce que l’économie entre en récession, mais l’allongement de l’expansion actuelle pourrait permettre à ce pincement salarial de se matérialiser. Cependant, avec la légère augmentation de la productivité constatée (Graphique 2), les coûts unitaires du travail progressent bien en dessous de 2 % pour le moment, suggérant l’absence de contraction imminente.