2018, surveiller les taux longs américains

Asset Management - La correction des derniers jours vient rappeler l’importance de l’évolution des taux dans la valorisation des actifs risqués. Le régime de taux bas des dernières années nous a enseigné que la faiblesse des taux longs contribuait à la surperformance des valeurs de croissance.

La raison de cette surperformance tient dans la hausse de la valorisation relative des sociétés dont les cash flows futurs sont attendus plus élevés en relatif et qui profitent de ce fait de taux d’actualisation plus faible. A cet effet s’est ajoutée la préférence pour la qualité dans un contexte de croissance molle. Cela s’est notamment démontré avec le succès des secteurs de croissance les plus défensifs comme l’Alimentation/Boissons. En effet, des taux bas reflètent des anticipations de croissance faibles et donc peu de visibilité sur les profits. Ainsi, les investisseurs ont naturellement tendance à privilégier les valeurs de qualité dans un contexte de taux bas et de doutes sur le scénario de croissance.

Historiquement, cette relation entre taux longs et styles s’est vérifiée et surtout amplifiée entraînant parfois des changements violents de leadership sectoriel, notamment lorsque les marchés parient agressivement sur un changement de régime de taux (comme en 2016).

La variable déterminante est le niveau des taux longs américains

En ce début d’année 2018, le scénario d’une remontée des taux longs plaide pour une rotation Value. Néanmoins, l’ampleur modeste de cette remontée et la persistance de courbes de taux toujours plates fournissent des arguments en faveur du statu quo. En effet, sans pentification, le secteur bancaire qui représente plus de 35% de la Value Européenne peut difficilement surperformer. Nous pensons que, même en dépit de courbes de taux toujours plates, une rotation Value tactique est possible en Europe en raison de la sensibilité des styles aux taux longs américains.

En analysant les relations historiques entre les styles et les taux, plusieurs constats s’imposent :

1/ Tout d’abord, la corrélation positive entre la performance relative Value vs Growth avec les taux. Il existe donc bien un lien et une tendance à la surperformance des thèmes Value lorsque les taux remontent et inversement (surperformance des valeurs de croissance quand les taux baissent).

2/ L’absence de pentification ne protège en rien des rotations sectorielles. En effet, les styles d’investissement semblent être nettement plus sensibles à l’évolution des taux longs en absolu que la pente des courbes de taux.

3/ Les styles d’investissement en Europe réagissent surtout à l’évolution des taux longs américains (corrélation de 0.38 avec les taux US contre 0.30 avec les taux Européens).

Ainsi, en 2018, même si la BCE conserve une politique accommodante, et même si la courbe américaine reste plate, une rotation sectorielle plus favorable à la Value est possible si les taux longs américains confirment leur trajectoire haussière. Ce scénario nous semble crédible notamment avec la perspective de revoir transitoirement un peu d’inflation en provenance des Etats Unis.

Au-delà du court terme, les doutes sont permis quant au caractère soutenable d’une telle rotation. La croissance potentielle ne plaide pas pour un retour durable de l’inflation et donc des taux significativement plus élevés.

Benoît Peloille - VEGA IM

Gérant-Analyste multigestion

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