Karl Toussaint du Wast – netinvestissement : « Nous sommes résolument positionnés à l’achat »

Asset Management - Face au coronavirus, la panique semble s'être emparée des marchés financiers. Comment les investisseurs doivent-ils adapter leur stratégie ? Quelles seront les conséquences macroéconomiques à long terme ? Karl Toussaint du Wast, cofondateur du site netinvestissement, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

L’épidémie de coronavirus a mis l’économie à l’arrêt. Depuis ce mardi 17 mars, la France expérimente des mesures drastiques de confinement. Le risque sanitaire affole les marchés financiers, dont les principaux indices ont brutalement chuté. L’autorité des marchés financiers (AMF) a néanmoins pris des dispositions pour garder ouverts les marchés actions : mesures pour limiter la volatilité, ventes à découvert interdites sur les valeurs françaises, durée de suspension de cotation allongée… Dans ce contexte de chutes boursières, les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) doivent assurer leur devoir de conseil et ajuster leur stratégie.

Le Courrier Financier s’est entretenu avec Karl Toussaint du Wast, co-fondateur du site de conseil en gestion de patrimoine netinvestissement (NI). « Avec mon associé Stéphane Van Huffel, nous avons lancé notre plateforme à Bordeaux en 2011. Notre objectif était clair : dépoussiérer la gestion de patrimoine et la rendre accessible au plus grand nombre ! Il fallait donner accès aux particuliers à toutes les solutions de placement », nous explique-t-il. Combien de temps la crise financière va-t-elle durer ? Quels sont les risques à long terme ? Comment adapter sa stratégie de placement ? Karl Toussaint du Wast répond en exclusivité à nos questions :

Le Courrier Financier : Face à la crise du coronavirus, comment réagissent les investisseurs ?

Karl Toussaint du Wast

Karl Toussaint du Wast : Les clients investis sur les marchés ont déjà supporté la baisse. En l’espace d’une semaine, les principaux indices ont chuté de 30 % à 40 %. Nous sommes désormais dans la période post-effondrement et les Français se demandent : « Que faut-il faire maintenant ? Dois-je tout vendre ? ».  Ce serait une erreur absolue ! Nous avons atteint le point le plus bas. Si vous avez besoin de liquidités, vendez vos poches en fonds en euros. Nous conseillons à nos clients de ne pas toucher maintenant à leurs placements en unités de compte (UC), au risque d’encaisser la baisse sans bénéficier de la remontée des cours.

C.F. : Quels sont les secteurs les plus atteints ?

K.T.W. : La crise sanitaire du coronavirus a déclenché une crise financière. En premier, je citerais le secteur de la banque et de l’assurance. En deuxième position bien sûr, vous avez le secteur pétrolier avec la chute du prix du baril. Ce n’est pas seulement le carburant mais tout le système de distribution qui est affecté. En troisième, je mettrais le secteur aérien : Airbus, Safran, Air France, etc. A cause des mesures de confinement et de la fermeture des frontières, vous avez des flottes entières d’avions qui restent au sol. Or une compagnie aérienne perd de l’argent quand ses appareils ne volent pas. Elles sont malheureusement en première ligne.

C.F. : Quelle position adoptez-vous sur les marchés ?

K.T.W. : Nous avons réalisé nos arbitrages en janvier 2020. Après avoir enregistré de belles plus-values l’an dernier, cela nous a permis de sécuriser nos positions. Bien nous en a pris ! Cette décision permet aujourd’hui à notre portefeuille d’encaisser 15 % de baisse en moyenne quand les marchés sont à – 50 %. Nous sommes néanmoins sereins : la fin de la crise du coronavirus devrait arriver dans 6 à 8 semaines. Cela signifie que nous allons vivre environ deux mois douloureux pour les marchés financiers, avant une reprise de la consommation à horizon avril-mai 2020. Nous serons en plein printemps, psychologiquement ce sera le meilleur moment.

Pour l’heure, nous sommes résolument positionnés à l’achat sur les marchés. Le phénomène actuel est lié à la peur du virus. Dès que ce facteur de stress boursier aura disparu, la cotation peut repartir vite et fort. Nous pouvons raisonnablement espérer 30 % à 50 % de performance sur les trois prochaines années. La gestion de patrimoine consiste à adopter une position moyenne voire longue. Nous avons joué notre rôle de parachute à la baisse. Il sera bientôt temps de surperformer les marchés à la hausse, peut-être de 10 % à 15 % via des OPCVM.

C.F. : Risquons-nous des conséquences macroéconomiques durables ?

K.T.W. : En France, le coronavirus va entraîner une perte de 1 % de PIB. Cela correspond à une croissance quasi nulle. Notre seul avantage, c’est que la crise est mondiale. Tout le monde est logé à la même enseigne, ce qui incite les banques centrales à coordonner leur action. La Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (Fed) ont ainsi ramené leurs taux directeurs à 0 %. Cette mesure soutient l’économie en garantissant l’accès aux liquidités pour les entreprises et les particuliers. Chez NI, nous sommes en contact avec trois banques partenaires. Elles continuent de prêter aux investisseurs sans problème.

Ce lundi 16 mars, le président de la République n’a pas seulement « déclaré la guerre » au coronavirus. Il a aussi apporté une garantie à hauteur de 300 milliards d’euros pour l’économie. Le pays sera sous perfusion le temps nécessaire. Ce sera un événement historique de courte durée, un coup de starter pour relancer la machine. Grâce au consensus international, ce plan de relance devrait fonctionner. Emmanuel Macron va injecter de l’argent dans l’économie, mais il ne sera pas le seul. Dans trois à quatre mois, tous les pays se retrouveront sur la ligne de départ dans des conditions plus normales. D’ici là, le risque de dévaluation de l’euro reste faible.

C.F. : Quel conseil donneriez-vous aux investisseurs qui voient leurs actions dégringoler ?

K.T.W. : Maintenant que la dégringolade est constatée, il ne faut pas paniquer. Laisser passer un semestre, faites le dos rond. Si vous avez besoin de liquidités, puisez dans votre épargne de précaution : livrets ou LDD. Nous devrions constater une reprise mécanique des marchés d’ici environ trois à quatre mois. Selon nos estimations, cette reprise devrait se chiffrer entre 10 % et 15 %. C’est donc le moment d’acheter, puisque tout est en solde ! Avec les fonds en actions françaises et européennes, les investisseurs ont de fortes chances de gagner de l’argent à moyen terme.

C’est le moment de faire preuve de pragmatisme. C’est le virus seul qui a contraint l’économie mondiale à s’arrêter. Notre monde a vécu d’autres guerres, nous n’allons pas nous laisser faire ! L’être humain sait faire preuve de résilience, nous avons la capacité de rebondir. La reprise après la crise de 2008 montre que nous sommes capables de nous relever. Ce n’est pas différent pour les marchés financiers : la séance de ce mardi 17 mars a montré une remontée du CAC 40. Nous conseillons donc aux investisseurs de se positionner en attendant la relance.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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