Florent Jacques – Finkey : fusions-acquisitions, « les périodes de crise sont synonymes d’opportunités »

Asset Management - Au premier semestre 2021, le marché mondial de la fusion-acquisition (M&A) enregistre une croissance record d'après une récente étude Refinitiv. Comment expliquer cette tendance ? Quelles perspectives à horizon 2022 ? Florent Jacques, PDG de Finkey, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

L’année 2020 a été bouleversé par la pandémie de Covid-19. En réaction, le marché des fusions-acquisitions d’entreprises (M&A) enregistre une croissance record au premier semestre 2021. Retour d’optimisme sur les marchés financiers, abondances de liquidités… Les entreprises se restructurent afin de saisir de nouvelles opportunités de développement, notamment à travers des opérations de cessions d’actifs non stratégiques. Quels sont les secteurs les plus concernés ? Quelles perspectives pour l’activité M&A à horizon 2022 ? Florent Jacques, PDG de la fintech Finkey, répond au Courrier Financier.

Le Courrier Financier : Quel état des lieux pour le marché mondial des fusions-acquisitions (M&A) ?

Florent Jacques – Finkey : fusions-acquisitions, « le marché connaît un boum historique »
Florent Jacques

Florent Jacques : Le marché international de la fusion-acquisition a été particulièrement dynamique sur le premier semestre 2021. Selon la dernière étude de Refinitiv, la croissance enregistrée en valeur s’élève à +131 % au niveau mondial en comparaison au premier semestre de 2020.

Plusieurs secteurs comme les technologies, média et télécoms, la santé et les énergies vertes tirent le marché à la hausse grâce à leur résilience face à la crise sanitaire international. Le marché français bénéficie d’une dynamique comparable. La valeur des opérations de M&A a augmenté de +67 % par rapport à 2020, pour atteindre les 104,3 milliards de dollars, un record depuis trois ans.

C.F. : Comment la crise sanitaire a-t-elle accéléré la tendance en 2021 ?

F.J. : Les périodes de crises sont souvent synonymes d’opportunités business. Après une période de fort ralentissement et d’attentisme en 2020, la confiance sur le marché est revenue. Les dirigeants d’entreprise ont retrouvé une vision claire de leur développement. Ils cherchent à renforcer leur position stratégique et utilisent le levier de la croissance externe pour accélérer leur déploiement.

Sur l’exercice 2021, il y a un double phénomène sur le marché. D’une part, nous observons un rattrapage des opérations parfois avortées en 2020. D’autre part, le marché est structurellement favorable à ce type de transaction ; les sociétés en bonne santé financière disposent de ressources importantes. De plus, la liquidité financière des fonds d’investissement est particulièrement conséquente, car une masse importante de capitaux n’ont pu être déployés en raison de la crise.

C.F. : En Europe, quels sont les secteurs économiques les plus concernés ?

F.J. : Trois secteurs ont dynamisé les transactions de M&A (Merger & acquisition) : technologies, média et télécoms (TMT), la santé et les énergies vertes. Ces tendances sectorielles sont directement liées ont mutations profondes que connaît l’économie depuis plusieurs mois. La crise sanitaire a généré un besoin accru de nouvelles technologies, notamment dans le digital. Les entreprises ont dû intégrer de nouveaux outils en interne pour assurer une continuité opérationnelle à distance pour leurs équipes.

De même dans le secteur de la santé, la Covid a largement dynamisé le développement technique de solutions capables de répondre aux besoins des populations. Enfin, la progression importante dans le secteur des énergies vertes traduit le dynamise généré par la prise de conscience des populations vis-à-vis des actions à mener pour préserver les ressources naturelles. Ces tendances structurelles de marché sont particulièrement favorables aux opérations de rapprochement industriels et de croissance externe.

C.F. : Pourquoi la zone euro reste-elle à la traîne par rapport aux États-Unis et à l’Asie ?

F.J. : Le retard au niveau européen correspond à une tendance de fond dans les opérations de fusion-acquisition. Les pratiques de croissance externe sont moins fréquentes qu’outre-Atlantique. Elles s’expliquent principalement par des pratiques de marché différentes et une logique de croissance organique plus ancrée dans les entreprises.

La croissance externe nécessite une excellente capacité d’adaptation des équipes de part et d’autre de la transaction (acquéreur/cédant). Les cultures d’entreprise doivent être alignées pour assurer la meilleure continuité managériale post opération. L’approche anglo-saxonne et asiatique — ainsi que le style de management focalisées sur la performance opérationnelle — sont beaucoup plus favorables aux opérations financières d’achat/vente d’entreprise.

C.F. : Faut-il craindre les litiges liés à la multiplication des SPAC ces derniers mois ?

F.J. : La multiplication des SPAC [en anglais Special Purpose Acquisition Company] n’est pas un facteur d’accroissement des litiges. Ce sont avant tout des véhicules financiers visant à organiser des opérations de transmission et de financement d’entreprise. Si les cibles transactionnelles ne sont pas trouvées, les SPAC disparaissent « de facto ». Tout l’enjeu d’une SPAC est de trouver la cible idéale pour organiser l’opération financière d’acquisition et de cotation boursière.

Ce sont des leviers d’accélération et de financement très importants pour des entreprises en phase d’accélération commerciale, comme « les fameuses licornes ». Les SPAC sont particulièrement présentes aux États-Unis et représentent près de 50 % des flux internationaux. Selon Spac Research, Wall Street a reçu 306 SPAC sur les quatre premiers mois de l’année — contre 248 l’an dernier.

C.F. : Quelle dynamique pour le marché des M&A au S2 2021 ? Et à horizon 2022 ?

F.J. : L’horizon est particulièrement favorable pour les opérations M&A. Le marché dispose de grandes liquidités et les conditions de financement sont excellentes. La croissance organique des entreprises est cristallisée par des problématiques logistiques et de matières premières qui touchent l’ensemble des pays du monde. Une demande forte et une offre de biens et services en progression lente génère structurellement une raréfaction des actifs sur le marché.

La course aux acquisitions d’actifs stratégiques lancée depuis le début de l’année 2021 n’est pas prêt de s’arrêter. C’est une dynamique structurelle qui est renforcée par la conjoncture actuelle. Les entreprises cherchent des leviers de croissance et se focalisent sur leur cœur de métier. Le recentrage opérationnel génère la scission d’actifs non stratégiques qui peuvent correspondre à de réelles opportunités pour d’autres acteurs du marché ayant un positionnement différent.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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