Enzo Hallot – Probe : crypto-actifs, « une nouvelle classe d’actifs à part entière »

Asset Management - En 2021, comprendre la blockchain devient un véritable enjeu pour les investisseurs qui s'intéressent aux crypto-actifs. Que faut-il savoir avant d'investir ? Comment diversifier son portefeuille grâce aux crypto-actifs ? Enzo Hallot, Fondateur de Probe, répond en exclusivité aux questions du Courrier Financier.

En mai 2021, le cours du bitcoin s’est effondré après un rallye spectaculaire. Très volatile pendant la crise sanitaire, la reine des cryptomonnaies a mis un coup de projecteur sur l’investissement dans la blockchain. Cette technologie se développe de plus en plus dans le secteur financier, sous diverses formes. Quels sont les enjeux propres aux crypto-actifs ? Quels sont les points de vigilance pour les investisseurs qui souhaiteraient ainsi diversifier leur portefeuille ? Enzo Hallot, Fondateur de Probe — société de conseil en investissement sur actifs numériques, créée en 2019 — et expert blockchain, répond en exclusivité au Courrier Financier.

Le Courrier Financier : La technologie blockchain, en quelques mots qu’est-ce que c’est ?

Enzo Hallot - Probe : crypto-actifs, « une nouvelle classe d’actifs à part entière »
Enzo Hallot

Enzo Hallot : La technologie de la blockchain c’est la gestion collaborative d’un registre distribué, dans lequel des transactions sont certifiées sans recourir à un tiers de confiance ou une institution. En d’autres termes, c’est une gigantesque base de données, maintenue à jour par un réseau d’inconnus, en Peer to Peer, qui se font confiance grâce à un protocole informatique.

Ces données prennent la forme de transactions et sont stockées dans la blockchain. Elles peuvent aussi prendre la forme de smart contracts. Il s’agit de contrats dont les clauses s’exécutent automatiquement grâce à un code informatique, sans intervention d’un tiers pour les vérifier.

C’est la digitalisation des contrats qui a créé la blockchain 2.0 en permettant de développer toutes sortes d’applications en se servant de la technologie blockchain. Par ailleurs, une blockchain peut aussi fonctionner sans une cryptomonnaie sous-jacente, et servir simplement d’architecture informatique. Pour information, nous sommes déjà aux portes de la blockchain 3.0 !

C.F. : Que faut-il savoir avant d’investir dans sa première initial coin offering (ICO) ?

E.H. : Une ICO est un mode de financement de projets qui repose généralement sur une blockchain. Cela peut être comparé aux SPAC [Special Purpose Acquisition Company, ou société d’acquisition à usage spécial NLDR] du point de vue de l’investissement réalisé très tôt dans la vie du projet et le risque que cela incombe. Il y a de multiples risques liés à l’investissement dans une ICO, mais de simples mesures peuvent venir les amoindrir.

Quelques signaux sont à éviter : le projet est anonyme ou les fondateurs n’ont pas de profil sur LinkedIn, Twitter, etc. l’absence de livre blanc (white paper), la domiciliation du projet, le domaine du site internet, est-ce que le code est public ? etc. De nombreuses arnaques existent dans ce domaine qui est trop peu réglementé à l’échelle mondiale.

De nombreux pays dans le monde n’encadrent pas encore ce type de financement, ce qui rend le risque de ne jamais voir aboutir le projet plutôt élevé. Un visa de l’AMF peut être décerné pour les initiateurs de projets blockchain en France, mais il reste optionnel. A l’instar de tout investissement, il est donc important de bien se renseigner ou de faire appel à un professionnel avant d’investir.

C.F. : Au-delà des cryptomonnaies, comment diversifier son patrimoine grâce aux crypto-actifs ?

E.H. : La blockchain permet la titrisation de nombreux actifs grâce aux smart contracts. Il est possible d’incorporer un titre de propriété dans un smart contract et de le stocker dans la blockchain. Le titre pourra ainsi être vendu et acheté partout dans le monde. Cela va des actifs financiers simples et complexes, aux titres de propriété immobilier, œuvres d’art numérique, etc.

Cela a pour avantage de rendre certains marchés plus liquides ainsi que de pouvoir en automatiser la gestion. Des secteurs commencent même à émerger, DeFI (finance décentralisée), finance, infrastructure, NFT (Non
Fungible Token), stablecoins, etc. En revanche, le droit français n’est pas encore adapté à certains smart contracts, attention donc à ce que vous achetez et pensez détenir comme titre de propriété.

Pour la star bitcoin, c’est tout de même le premier actif à offrir une exposition monde — hors « États » — basée sur la confiance que la population du monde voudra bien lui donner. Les crypto-actifs sont, selon moi, une nouvelle classe d’actifs à part entière, complémentaire dans une allocation de portefeuille.

C.F. : Quels outils Probe met-elle à disposition des gérants pour investir dans les crypto-actifs ?

E.H. : Comme pour tout actif, il est important de bien comprendre le fonctionnement et l’impact que cela peut avoir sur votre patrimoine avant d’investir. Probe a donc créé un organisme de formation dédié à la blockchain, pour tous les niveaux et tous les besoins.

Probe propose aussi du conseil en investissement sur actifs numériques à ceux qui souhaitent se lancer dans l’écosystème de la blockchain — que ce soit sur des sujets de réglementation, de diversification et construction de portefeuille, de sourcing de projets blockchain, sur de la gestion passive ou sur lancement de fonds de Private Equity qui investissent dans des projets blockchains.

Nous développons également un outil de gestion d’actifs numériques appelé Cryptofolio. Les investissements dans les cryptomonnaies demandent souvent de posséder plusieurs plateformes de trading ou plusieurs portefeuilles électroniques. En assurer la gestion et récupérer la valorisation quotidienne devient alors difficile. L’outil vise à rendre la gestion plus simple et dynamique tel un agrégateur en ligne, tout en gardant vos données sur votre ordinateur.

C.F. : Quelle vision de la blockchain portez-vous en France et à l’international ?

E.H. : La France est en retard au niveau de l’adoption mais beaucoup de grandes institutions et sociétés cotées françaises mènent tests et études depuis des années et réfléchissent au meilleur modèle à adopter. D’après une étude de PWC de décembre 2020, c’est 500 000 emplois qui pourraient être créés et 60 milliards de PIB pour la France d’ici 2030, soit 2 % du PIB. C’est donc un réel enjeu économique.

En corrélation avec la récente explosion du numérique, l’intérêt mondial pour la blockchain est aussi expliqué par le besoin d’augmenter la confiance envers le digital. Grâce à ses propriétés d’horodatage, de traçabilité, d’infalsifiabilité et de sécurité, la blockchain permet de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs — transparence, vérification des normes RSE, conception et origine des produits, authenticité, etc.

De nombreux secteurs — comme la logistique, la santé, le luxe, etc. — peuvent en échange bénéficier d’un système avec une sécurité améliorée, plus efficace et donc plus productif.

C.F. : La BCE a lancé en juillet 2021 le projet d’un euro numérique. Le 7 septembre dernier, le Salvador a adopté le bitcoin comme monnaie officielle… Quel avenir pour la blockchain dans l’univers financier ?

E.H. : Il y a plusieurs avenirs possibles, tous dépendants du niveau d’adoption globale de la technologie. Le principal frein à une croissance long terme de l’industrie de la blockchain est lié au manque de connaissance du public. La réponse à cette problématique pourra justement être apportée par l’euro numérique (CBDC).

Cette monnaie émise par la Banque centrale européenne (BCE), basée sur la technologie blockchain, sera la seule porte à franchir par les utilisateurs pour se retrouver dans l’écosystème des différentes blockchains. Des tests de transactions ont d’ailleurs été effectués entre la Banque de France et la Banque National Suisse cet été.

Tout cela montre bien que la blockchain est faite pour durer et le secteur financier devra s’y adapter. Pour perdurer, la blockchain ne devra pas juste servir à la spéculation financière mais continuer de délivrer et créer plus de valeur auprès des sociétés et des utilisateurs.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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