Fuite de liquidité chez H2O : une facture salée

Asset Management - L'affaire H2O a provoqué une vague d'inquiétude la semaine dernière chez les conseillers en gestion de patrimoine. La polémique liée au manque de liquidité de certains actifs a déclenché une tempête en bourse, qui a également éclaboussé Natixis. Quel bilan pouvons-nous en tirer ?

Fuite de liquidité chez H2O Asset Management : une facture salée

(Conception : Mathilde Hodouin – Création : Charlotte Thomas)

C’est un torrent qui a tout emporté sur son passage. La semaine dernière, l’affaire H2O Asset Management (AM) a secoué l’univers de la gestion de patrimoine. Cette société de gestion — filiale de Natixis — connaît un succès fulgurant depuis quelques années. H2O AM met en avant la transparence de ses investissements et la liquidité de ses actifs. Le 18 juin 2019, un article sur le blog Alphaville du Financial Times a mis un grand coup de boutoir dans l’édifice. La note d’analyse identifiait trois anomalies, et mettait en cause le gérant Bruno Crastes — Directeur Général d’H2O AM — qui aurait investi dans de la dette non cotée, auprès d’un partenaire à la réputation douteuse. En l’occurence, le fonds d’investissement Tennor Holding, de l’allemand Lars Windhorst.

H2O affronte la Tempête

En bourse, le contrecoup est terrible. L’agence d’évaluation Morningstar décide de suspendre la notation du fonds H2O Allegro, ce qui provoque en cascade la chute de l’action Natixis de près -15 % en deux jours. Une tempête dans un verre d’eau ? Cette stratégie de diversification de portefeuille a été initiée dès 2015. La société H2O AM assure que ses fonds restent liquides à plus de 95 %, « nous saurons donc traiter les éventuels rachats. Nous protégerons les investisseurs fidèles en appliquant, conformément à la réglementation, des « swing factor ». Ils ont été mis en place dès 2017 », précise Medhi Rachedi — Directeur Relations Investisseurs d’H2O AM — dans un communiqué daté de ce lundi 24 juin 2019. Par ailleurs, H2O AM a supprimé — jusqu’à nouvel ordre — les droits d’entrée de tous ses fonds.

De son côté, Natixis a renouvelé ce lundi 24 juin son soutien aux « mesures nécessaires », mises en place par la société H2O AM pour assurer la valorisation de ses titres « considérés comme illiquides ». Aucun de ces actifs n’est en situation de défaut, souligne Natixis. « Les équipes de H2O AM ont décidé de comptabiliser ces créances non pas à leur valeur de marché en situation normale, mais à une valeur de cession complète immédiate, celle-ci ayant été déterminée sur la base de cotations pour transaction obtenues ce dimanche auprès de banques internationales, indépendantes de Natixis », précise le gérant dans un communiqué.

D’après H2O AM, les actifs en question représentent désormais une exposition totale de moins de 2 % des encours des fonds concernés, après revalorisation et 300 millions d’euros d’actifs vendus. Les clients qui restent investis et les nouveaux entrants devraient donc récupérer la valeur de long terme de ces titres.

Vers un retour à la normale cette semaine ?

Dans une note datée de ce mercredi 26 juin, Morningstar a annoncé reprendre la notation du fonds H2O Allegro. L’agence a retenu la note « neutre » en raison d’interrogations sur l’efficacité des contrôles des risques dans la gestion du fonds, rapporte l’agence Reuters. De son côté, H2O AM affirme dans un communiqué publié ce vendredi 28 juin que « les flux de rachat continuent de ralentir très fortement jour après jour (…) Les fonds enregistrent également des souscriptions significatives depuis lundi dernier ». Cette semaine, la situation semble revenir à la normale. H2O AM étudie les moyens de « réorganiser à moyen terme ses positions dans les obligations non notées, afin d’éliminer totalement les questions d’illiquidité dans les produits UCITS », sans les transférer dans un autre véhicule.

Malgré ce retour au calme, la tempête a laissé des marques. Ce mercredi 26 juin indique Reuters, la direction de Natixis est allée mercredi à la rencontre des analystes dans le cadre de ses efforts pour rassurer les investisseurs. Les analystes de Jefferies, de Credit Suisse et de Keefe, Bruyette & Woods (KBW) ont ainsi participé à des présentations faites par les dirigeants de la banque — filiale cotée du groupe BPCE — et de sa filiale de gestion d’actifs Natixis Investment Managers. « Les problèmes soulevés ne peuvent pas être limités à H2O ou à quelques fonds H2O, mais il existe des problèmes structurels plus larges associés au modèle d’affiliation, qui doivent être revus et discutés », estime l’analyste de KBW.

Ce mercredi 28 juin, les encours sous gestion de H2O AM étaient tombés à 27 milliards d’euros, contre 31,3 milliards à fin mars. Pour rappel, Natixis gère 855 milliards d’euros d’encours à travers 25 sociétés externes. L’affaire H2O remet en question la gestion des risques au sein de cette architecture. Natixis a donc décidé d’avancer la date de l’audit périodique de sa filiale H2O.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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