Valéry Giscard d’Estaing : l’au revoir d’un Européen à l’heure du Brexit

Actualités - Cette semaine, Valéry Giscard d'Estaing est décédé à 94 ans des suites du Covid. L'ancien président français était un anglophile et un européen convaincu. Sa mort coïncide — par un surprenant hasard de calendrier — avec l'imminence du Brexit. Au-delà de son mandat présidentiel, que retenir de son engagement pour l'Europe ? Le point avec Le Courrier Financier.

Valéry Giscard d'Estaing : l'au-revoir d'un Européen à l'heure du Brexit

(Conception : Mathilde Hodouin – Réalisation : Amandine Victor)

Valéry Giscard d’Estaing (VGE) — ancien président de la République (1974 à 1981) — est mort ce mercredi 2 décembre à l’âge de 94 ans, des suites du Covid-19. L’ancien chef de l’Etat s’est éteint dans sa maison familiale du Loir-et-Cher, après plusieurs hospitalisations — en septembre dernier à l’hôpital Georges-Pompidou à Paris, et plus récemment fin novembre à Tours (Indre-et-Loire). « Conformément à sa volonté, ses obsèques se dérouleront dans la plus stricte intimité familiale », a déclaré la Fondation Valéry Giscard d’Estaing, qui a annoncé la nouvelle sur Twitter. Le palais de l’Elysée a confirmé l’information dans la soirée.

Une ascension fulgurante

L’homme qui voulait « regarder la France au fond des yeux » est né le 2 février 1926 à Coblence (Allemagne). Issu d’une longue lignée de hauts fonctionnaires et de parlementaires, VGE fait ses classes à polytechnique et à l’ENA. En 1956, il n’a pas encore 30 ans lorsqu’il est élu pour la première fois député du Puy-de-Dôme. Il devient secrétaire d’Etat aux Finances en 1959, dans les premiers mois de la Ve République. Promu ministre en 1962, Valéry Giscard d’Estaing y gagne « une réputation de technicien, excellent connaisseur de la chose économique », rappelle Reuters. Sa carrière l’emmène tout droit à l’Elysée, où il entre à l’âge de 48 ans.

Valéry Giscard d’Estaing devient ainsi le plus jeune président français d’après-guerre. Il contribue à moderniser la société française dans les années 1970. Durant son septennat, les Français voient notamment l’abaissement de l’âge de la majorité civile de 21 ans à 18 ans (1974), l’arrivée du divorce par consentement mutuel et la dépénalisation de l’avortement (1975) avec Simone Veil. Celui que les Français surnomment « Giscard » choisit de s’afficher sans pompe sur sa photographie officielle — tranchant avec ses prédécesseurs. Les Français le découvrent en short sur un terrain de football et en maillot de bain sur une plage.

Si son mandat débute sous le signe du renouveau, il sera vite entaché. Après le choc pétrolier de 1973, le chômage explose tandis que la France sort des « Trente Glorieuses ». En 1976, son Premier ministre Jacques Chirac démissionne avec fracas. L’image du président moderne laisse place à celle du monarque républicain, à qui l’opinion reproche désormais ses manières de grand bourgeois. Le 10 octobre 1979 enfin, Le Canard enchaîné révèleque VGE aurait reçus des diamants de la part dirigeant centrafricain Jean-Bedel Bokassa, à l’époque où il était ministre des Finances. Cette polémique contribue à son échec face à François Mitterrand en 1981.

Giscard l’anglophile européen

Sur la scène internationale, Valéry Giscard d’Estaing est un Européen convaincu. Il construit une relation étroite avec l’ancien chancelier allemand Helmut Schmidt, afin de poser avec celui-ci les bases pour l’instauration de la monnaie unique. En 1992, il revient sur le devant de la scène politique, en militant activement pour « oui » au référendum de Maastricht — qui a permis notamment d’adopter l’euro. En 2001, c’est à nouveau l’Europe qui le fait sortir du bois, à 75 ans. Il supervise la rédaction d’une Constitution européenne, un projet resté depuis dans les cartons après son rejet par référendum, en 2005.

Très anglophile, Valéry Giscard d’Estaing adhère dès 1969 au Comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe, fondé et animé par Jean Monnet pour soutenir la candidature britannique. Jusqu’aux dernières années de sa vie, il se tient au courant de l’actualité européenne. En juin 2016, il anticipe le Brexit tout en le déplorant. « Les Britanniques ont toujours eu un certain dédain pour l’Europe. Ils considèrent que c’est un continent désordonné, qui ne respecte pas les règles (…) L’erreur que font les dirigeants actuels ? On a prévu qu’on pouvait sortir de l’Europe, mais on a fait dériver la négociation vers une impasse », expliquait-il en octobre 2018 sur Europe1.

Le feuilleton du Brexit — et l’incapacité des négociateurs à trouver un accord — a le don de l’agacer. « Il ne faut pas prolonger le désordre. Le désordre, ça suffit. Ils avaient deux ans pour travailler : les deux ans se terminent, on s’en va », affirme-t-il dans cette même interview. Le 31 décembre prochain, le Royaume-Uni quittera définitivement l’Union européenne, avec ou sans accord. Il est temps de se dire au revoir.

La Rédaction - Le Courrier Financier

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