Libra : les Etats-Unis sont-ils prêts pour la cryptomonnaie de Facebook ?

Actualités - En juin dernier, l'annonce de la création du Libra a déclenché de vives inquiétudes. La cryptomonnaie de Facebook verra-t-elle le jour en 2020, malgré les réserves des régulateurs et l'opposition des politiques ?

Libra : les Etats-Unis sont-ils prêts pour la naissance de la cryptomonnaie de Facebook ?

(Conception : Mathilde Hodouin – Création : Charlotte Thomas)

C’est un projet qui soulève la controverse. Le 18 juin dernier, Mark Zuckerberg a déclaré qu’il comptait équiper Facebook de sa propre cryptomonnaie d’ici 2020. L’annonce n’a pas manqué de faire réagir les députés au Congrès américain. Le 2 juillet dernier, ils ont adressé une lettre ouverte aux dirigeants de la plateforme. Les élus demandent un moratoire sur le projet, le temps d’étudier l’impact économique du Libra. Ce mercredi 10 juillet, le régulateur américain a décidé de frapper plus fort. Avant d’avancer sur son projet, Facebook devra aux « vives inquiétudes » qu’il soulève, a déclaré Jerome Powell, Président de la Réserve fédérale.

Le risque d’un problème systémique

Ces propos font écho aux réserves déjà émises par François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, ou encore par Mark Carney, celui de la Banque d’Angleterre (BoE), rapporte l’agence Reuters. « Libra soulève de graves inquiétudes concernant la vie privée, le blanchiment d’argent, la protection des consommateurs et la stabilité financière (…) Ce sont des craintes qui doivent être traitées en profondeur et publiquement », a précisé Jerome Powell. D’après lui, tout examen réglementaire du projet devrait être mené avec « patience et attention ». Les 2 milliards d’utilisateurs de Facebook sont autant d’usagers potentiels pour le Libra. Cette monnaie privée pourrait-elle devenir assez puissance pour concurrencer directement le dollar ? Cette idée ne risque pas de plaire à l’Etat américain.

La Fed a déjà mis en place un groupe de travail pour suivre le projet. Elle a aussi déclaré coordonner ses activités avec d’autres banques centrales à travers le monde. Jerome Powell s’attend à ce que le Conseil de surveillance de la stabilité financière (FSOC) aux Etats-Unis examine aussi le projet. « Je pense qu’on fait face pour la première fois à la possibilité d’une très large adoption », a-t-il relevé. Dans ces conditions, un éventuel problème lié au Libra « aurait une importance systémique en raison de la taille de Facebook », ajoute Jerome Powell. Le Libra permettra aux utilisateurs de Facebook de s’envoyer de l’argent et d’acheter des biens directement sur la marketplace du réseau social. Une façon pour Facebook de s’imposer dans les paiements, les services financiers et le commerce en ligne dans le monde entier.

Vers une licence bancaire pour Facebook ?

Libra sera une devise numérique, qui fonctionnera avec la technologie blockchain. Ce système devra assurer la transparence et la sécurité de toutes les transactions. Pour garantir sa stabilité, elle sera adossée à une réserve d’actifs « de faible volatilité, tels que des titres gouvernementaux dans des devises provenant de banques centrales stables et réputées », indiquait le Groupe de Mark Zuckerberg en juin dernier. La société de gestion du Libra sera basée à Genève, en Suisse. Facebook a déjà recruté 28 partenaires sur ce projet, qui participeront à hauteur de 10 millions de dollars chacun. Il s’agit essentiellement de grandes sociétés de paiement (Visa, Mastercard) et d’acteurs de l’économie digitale (Spotify, Uber).

Cette perspective a déclenché la colère de Donald Trump. Ce jeudi 11 juillet, le président américain a vivement critiqué les cryptomonnaies sur Twitter. « Je ne suis pas un fan de Bitcoin et des autres cryptomonnaies, qui ne sont pas de l’argent, et dont la valeur est très volatile et basée sur de rien du tout. Si Facebook et les autres entreprises veulent devenir des banques, elles doivent demander une nouvelle charte bancaire et être soumises à toutes les réglementations bancaires, tout comme les autres banques, nationales et internationales » a-t-il écrit. Reste à savoir si Facebook réussira à convaincre les réticences des uns et des autres. Mark Zuckerberg s’est déjà déclaré prêt à répondre aux interrogations du Sénat américain.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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