Royaume-Uni : Rishi Sunak, la grande évasion fiscale ?

Actualités - Cette semaine, le Royaume-Uni se rebiffe contre l'accord du G7 sur la réforme de la fiscalité mondiale. Londres fait pression pour que les services financiers de la City soit exemptés du futur impôt. Qu'est-ce qui motive ce choix économique et politique ?

Royaume-Uni : Rishi Sunak, la grande évasion fiscale ?

(Conception : Mathilde Hodouin – Réalisation : Amandine Victor)

Le Royaume-Uni va-t-il faire cavalier seul ? Ce samedi 5 juin à Londres, les ministres des Finances du G7 ont signé un accord fiscal « historique ». Objectif, instaurer un taux global plancher d’au moins 15 % pour l’imposition des sociétés. Les pays du G7 se sont entendus sur le principe du paiement de l’impôt dans les pays où les entreprises vendent leurs biens et leurs services. Il s’agit mettre fin aux disparités fiscales exploitées par des multinationales. Mais Rishi Sunak, ministre britannique des Finances, fait déjà pression pour exclure la City de la réforme. L’information a été révélé ce mardi 8 juin par le Financial Times.

Un accord historique…

La réforme vise surtout les géants américains du numérique — c’est-à-dire les Google, Apple, Facebook et Amazon (GAFA). Ces entreprises ont pris l’habitude de déclarer leurs profits dans des pays à la fiscalité avantageuse, au lieu de ceux où elles réalisent la majorité de leur activité. Pendant des années, la France s’est heurtée dans ce dossier à l’opposition ferme des Etats-Unis. Mais la crise sanitaire a changé la donne. Cette réforme devrait permettre de lever plusieurs centaines de milliards d’euros précieux pour le redressement d’une économie mondiale ébranlée par le coronavirus. L’administration Biden pousse en ce sens.

Janet Yellen, secrétaire d’Etat américaine, a ainsi salué l’accord signé à Londres comme un « engagement significatif et sans précédent ». Selon elle, cette décision de régulation devrait mettre un terme à la course vers le bas en matière de taxation mondiale. En échange, l’accord prévoit la fin des taxes nationales sur les services numériques — actuellement instaurées dans plusieurs pays européens. Une satisfaction pour les Etats-Unis, qui estiment que de tels dispositifs législatifs pénalisent injustement ses champions nationaux de la tech. Mais tout le monde ne partage pas ce sentiment… Le Londres de la finance post-Brexit en tête.

…sur fond de discorde fiscale ?

Marcher au pas de l’oie derrière les Etats-Unis ? Non merci, répond Rishi Sunak, Chancelier de l’Echiquier du Royaume-Uni. Le ministre britannique milite déjà en coulisse pour « une exemption des services financiers » de la réforme fiscale. Objectif, protéger les banques internationales qui ont installé leur siège social à Londres. Depuis sa sortie de l’Union européenne (UE) le 31 décembre dernier, le pays veille jalousement sur ce fleuron de son économie… tandis que Bruxelles doit encore décider du degré d’accès direct qu’elle accordera à la Grande-Bretagne dans le domaine des services financiers — un sujet non couvert par l’accord du Brexit.

Le « pilier 1 » de l’accord conclu entre les pays du G7 permet de taxer à 20 % les multinationales qui réalisent une marge supérieure à 10 % — en fonction du lieu où elles mènent leur activité, et non de leur implantation physique. Londres voudrait nuancer ce pilier sur le modèle des travaux de l’OCDE publiés en octobre dernier. A l’époque, 140 pays dont des économies émergentes proposaient déjà une exclusion pour les services financiers — y compris les activités d’assurances — qui s’adressent aux professionnels. La décision du G7 doit encore être validée par le G20 — qui compte plusieurs économies émergentes. Rendez-vous le mois prochain, à Venise.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

Voir tous les articles de Mathilde