UE : la Commission européenne met l’accord d’investissement avec la Chine en attente

Actualités - Cette semaine, l'Europe suspend la ratification de l'accord sur les investissements avec la Chine (CAI). Covid-19, travail forcé au Xinjiang, répression politique à Hong Kong... La hausse des tensions géopolitiques va-t-elle compromettre les relations économiques entre les deux blocs ?

Europe : la Commission met l'accord d'investissement avec la Chine en attente

(Conception : Mathilde Hodouin – Réalisation : Amandine Victor)

L’Europe ne veut plus servir la soupe à la Chine. Ce mercredi 5 mai, la Commission européenne a suspendu la ratification de l’accord controversé sur les investissements avec la Chine (CAI). Crise sanitaire, travail forcé des Ouïghours, répression à Hong Kong… Après sept ans de négociations, la montée des tensions géopolitiques renvoie la conclusion aux Calendes grecques. « Les chances d’une ratification du CAI dépendront de l’évolution de la situation », déclare l’exécutif européen. Conclu en décembre 2020, l’accord devait assurer un meilleur accès des entreprises européennes aux marchés chinois et rééquilibrer les relations économiques.

Le temps est à l’orage…

Dès ce mardi 4 mai, Bruxelles évoquait de l’eau dans le gaz avec Pékin. « Nous avons pour le moment suspendu certains efforts de sensibilisation politique du côté de la Commission, car il est clair que, dans la situation actuelle, avec les sanctions de l’UE contre la Chine et les contre-sanctions chinoises, y compris contre des membres du Parlement européen, l’environnement n’est pas propice à la ratification de l’accord », a déclaré Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne, à l’AFP. Les nuages s’amoncelaient depuis des mois, entre préoccupations liées aux droits de l’homme et opposition forte des Etats-Unis.

Les sanctions chinoises en mars dernier à l’égard de parlementaires et de diplomates européens — dont le Français Raphaël Glucksmann — suite à leur rapport sur le sort des Ouïghours dans la province du Xinjiang ont probablement été la goutte qui a fait déborder le vase. Les négociations sont suspendues, mais pas encore totalement interrompues. A l’heure où nous écrivons ces lignes, la Commission mène une révision juridique de l’accord et procède à sa traduction dans les différentes langues parlées par les pays membres de l’Union européenne (UE). L’examen du traité par le Parlement européen à Strasbourg n’aura pas lieu avant 2022.

…mais demain, il fera beau ?

Au sein du Parlement européen justement, l’opposition reste forte. Les députés sociaux-démocrates et les Verts sont vent debout contre le CAI. De leur côté, le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel soutiennent l’accord. A la présidence du Conseil de l’Europe, l’Allemagne a beaucoup pesé dans les négociations. Un soutien dont le Parti communiste chinois se fait l’écho en ligne. Le CAI ne devrait toutefois pas être ratifié avant les prochaines élections législatives allemandes en septembre 2021. Angela Merkel ne brigue pas de cinquième mandat : la position allemande dépendra donc de son successeur.

Autre signe de l’orage qui gronde, la Commission a présenté ce mercredi 5 mai un nouveau règlement « pour s’attaquer aux distorsions causées par les subventions étrangères au sein du marché unique ». Ce dispositif législatif vise notamment les entreprises financées par l’Etat chinois. L’UE entend ainsi promouvoir « un marché unique équitable et concurrentiel qui établit les conditions propices au développement de l’industrie européenne ». Le Vieux Continent refuse pour le moment de s’aligner sur les Etats-Unis et leur guerre commerciale avec la Chine. Entre rivalité et partenariat, l’Europe cherche une alternative à la realpolitik.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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