Etats-Unis : bientôt le retour de la régulation financière ?

Actualités - Cette semaine, nous revenons sur une tendance qui resurgit aux Etats-Unis, à la veille de l'élection présidentielle de 2020. Au pays du libre-échange et du libéralisme économique, de plus en plus de voix se lèvent pour demander plus de régulation financière. Quels effets à retardement la crise de 2008 a-t-elle sur les débats économiques ?

Etats-Unis : vers le retour de la régulation financière ?

(Conception : Mathilde Hodouin – Création : Charlotte Thomas)

Faut-il réguler le capitalisme ? C’est l’une des conséquences de la crise de 2008, la question de la responsabilité des acteurs financiers occupe toujours le devant de la scène. Dans les pays anglo-saxons, certains aspirent à plus de régulation. En juin dernier, 18 milliardaires américains signaient une tribune où ils demandaient à payer plus d’impôts. L’autorégulation et la philanthropie traditionnelle ne leur suffisent plus. L’idée d’une réforme du système fait son chemin jusqu’au cœur de la presse économique. Le 16 septembre 2019, le britannique Financial Time lançait sa plateforme « The New Agenda » avec un dossier intitulé « Capitalism. Time for a reset » soit en français « Capitalisme, le temps est venu pour une réinitialisation ».

Repenser le système financier

Dans une publication acquise à l’économie de marché et au libre-échange, c’est une prise de position inhabituelle. Histoire de rassurer le lecteur, « The New Agenda » s’ouvre sur une réaffirmation de la ligne éditoriale du média. « Le Financial Times croit au capitalisme de libre entreprise. C’est le fondement de la création de richesse, qui crée plus d’emplois, plus d’argent et plus d’impôts. Le modèle capitaliste libéral a permis la paix, la prospérité et le progrès technologique au cours des 50 dernières années, réduisant considérablement la pauvreté et élevant le niveau de vie dans le monde entier », assure le journaliste Lionel Barber, dans l’édito de la nouvelle plateforme.

Cependant, il s’agit de tirer quelques leçons de la décennie précédente. La seule bonne gouvernance ne suffit plus. « La santé à long terme du capitalisme de libre entreprise dépendra de la recherche d’un profit avec un but. Les entreprises comprendront que cette combinaison sert leurs intérêts, leurs clients et leurs employés. Sans changement, la prescription risque d’être beaucoup plus douloureuse », prévient Lionel Barber. Cette affirmation n’est pas sans rappeler l’essor — encore minoritaire — des critères extra-financiers dans la gestion. Il s’agit de tenir compte des enjeux de développement durable, notamment à travers les thématiques d’investissement ESG. Les épargnants se tournent de plus en plus vers la finance verte, et les CGP suivent le mouvement.

Le charme discret du socialisme ?

Pas d’emballement, cependant. Sur le plan politico-économique, le Financial Times n’a aucune intention d’exercer un virage à 180°. « Le capitalisme de libre entreprise a montré une capacité remarquable à se réinventer. Parfois, comme l’a sagement souligné l’historien et homme politique Thomas Babington Macaulay, il est nécessaire de réformer pour préserver. Aujourd’hui, le monde a atteint ce moment. Il est temps de réinitialiser », assure Lionel Barber. Les articles en accès libre sur la plateforme développent l’idée d’un nouveau départ plutôt que d’un dynamitage. « L’époque de l’accumulation de richesses est terminée », titre sobrement Rana Foroohar, chroniqueuse et rédactrice en chef adjointe au Financial Times.

Dans ce texte consacré aux débats de la Primaire chez les Démocrates, la journaliste évoque les interventions des candidats Bernie Sanders and Elizabeth Warren. D’après Rana Foroohar, quelque chose a changé dans la façon dont les débats économiques sont menés aux Etats-Unis. Autrefois, c’était « comment le gouvernement pouvait aider les marchés à mieux fonctionner. C’est maintenant comment le secteur public peut les maîtriser et mieux répartir le gâteau économique », relève-t-elle. Même les Républicains s’y mettent, à travers les prises de parole du sénateur Marco Rubio. Les Etats-Unis auraient-ils découvert le charme discret du socialisme ? Difficile d’imaginer Donald Trump menant ce genre de politique… Wait and see.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

Voir tous les articles de Mathilde