BCE : Christine Lagarde met ses pas dans ceux de Mario Draghi

Actualités - Ce vendredi 1er novembre, Christine Lagarde succède à Mario Draghi. Budget européen, politique des taux, changement climatique... La Française inscrit sa politique dans le prolongement de celle de son prédécesseur. Faucons contre colombes, le match européen continue.

C’est un passage de relais très attendu. Ce vendredi 1er novembre, Christine Lagarde (63 ans) devient présidente de la Banque centrale européenne (BCE). Elle succède au « sauveur de l’euro », Mario Draghi (72 ans), que les marchés financiers avaient surnommé « Super Mario ». Christine Lagarde hérite de son prédécesseur un bilan contrasté, entre taux bas et injection massive de liquidités (Quantitative Easing). Si la zone euro semble sortie d’affaire, Mario Draghi n’a pas réussi à convaincre l’Allemagne d’adopter sa politique monétaire. « Il apparaît clairement que l’heure est à davantage d’Europe, et non à moins d’Europe », a-t-il cependant martelé ce lundi 28 octobre, lors de la cérémonie de passation organisée au siège de la BCE, à Francfort.

L’épineuse question du budget européen

Mario Draghi a préparé le terrain, rapporte l’agence Reuters. D’après lui, l’Europe doit encore franchir un nouveau cap (financier) sur la voie de son intégration et se doter des institutions nécessaire à la stabilisation de son économie. Mario Draghi a ainsi plaidé pour la construction d’un budget européen commun, une disposition à laquelle Christine Lagarde se montre également favorable. « Nous sommes dans une situation où les taux d’intérêt bas ne produisent plus le même degré d’impulsion que par le passé, parce que le taux de retour sur investissement dans l’économie a chuté », a déclaré Mario Draghi. Centraliser la politique monétaire devient impératif, à l’heure où les écarts économiques se creusent entre les 19 pays de la zone euro.

Pour Mario Draghi, il s’agit de stabiliser l’union monétaire… et d’offrir un véritable avenir à l’euro. « La politique monétaire peut encore atteindre ses objectifs, mais elle ne peut pas le faire plus rapidement et avec moins d’effets indésirables, si dans le même temps les politiques budgétaires ne sont pas alignées sur elle », a-t-il martelé. Entre les colombes préoccupées de croissance — menées par Mario Draghi — et les faucons qui veulent protéger l’épargne et les marges bénéficiaires des banques — Allemagne en tête — la mésentente est totale. Preuve de cette discorde, les ministres européens des finances sont tombés d’accord ce mois-ci sur un petit budget pour la zone euro. Une situation qui ne satisfait pas les responsables de la BCE.

Soutenir la croissance de la zone euro

Au milieu de cette guerre de position, Christine Lagarde met ses pas dans ceux de Mario Draghi. Après la crise de 2008, « les banques centrales ont fait le travail, que ce soit la Fed aux Etats-Unis ou la BCE en Europe. Seulement, elles étaient un peu seules à la manœuvre », a-t-elle regretté ce mercredi 30 octobre au micro de RTL. L’ancienne Directrice Générale du Fonds monétaire international (FMI) a pointé du doigt « les pays qui sont maintenant de manière chronique en excédent budgétaire, comme les Pays-Bas ou l’Allemagne » qui selon elle « n’ont pas vraiment fait les efforts nécessaires ». Elle incite désormais à « utiliser cet excédent budgétaire pour investir dans des infrastructures qui en ont bien besoin ».

Sur la politique des taux bas, Christine Lagarde estime que la banque centrale a eu raison d’arbitrer en faveur de l’emploi. « Chaque personne est à la fois un salarié, un épargnant, un emprunteur. Les impacts des taux d’intérêt vont affecter chacune de leurs dimensions. On sera plus content d’avoir un emploi qu’une épargne protégée », tranche-t-elle. Cette position laisse-t-elle présager un bras de fer avec Berlin ? Ce mardi 29 octobre, l’Allemagne a déjà marqué son désaccord avec Christine Lagarde sur la question de la place du changement climatique dans les objectifs de la BCE. « Une politique monétaire qui poursuit explicitement des objectifs environnementaux risque d’être surchargée (…) et son indépendance remise en question », a averti Jens Weidmann, président de la Bundesbank. La tâche de Christine Lagarde ne sera pas de tout repos.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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